D’après les premiers retours que nous avons sur les contrats d’un an conclus début 2020, les taux de fret maritime sont globalement stables par rapport à l’an dernier, accompagnés d’une surcharge carburant spécifique temporaire négociée au cas par cas, en fonction de l’évolution des marchés sur la base des indices Platts ou Bunkerworld.
Le marché import Asie-Europe Port de base à Port de base, hors manutentions, devrait se caler en 40’ Dry et HC sur les pivots moyens suivants :
Pour le Trans-Pacifique, très sujet à l’évolution des relations sino-américaines, nous attendons les consensus de marché suivants, si le statu quo actuel perdure :
NB : Ces taux s’entendent bord / bord ou Free in Free out, hors THCL et THCD.
On note que les taux 20’ dry se rapprochent petit à petit, année après année, des taux 40’, ce qui illustre la marginalisation constante de ce type d’équipement.
Le marché Reefer est clairement haussier, malgré des programmes de construction massifs. La demande continue à croire plus vite que l’offre, surtout dans le contexte de besoins chinois en viande européenne suite à la dernière pandémie de fièvre porcine. Ce sera clairement le réservoir de marge opérationnelle pour les transporteurs maritimes en 2020.
La surchauffe actuelle du marché actuel, à l’approche du Nouvel An chinois, devrait logiquement retomber à partir de mi voire fin février, avec le retour progressif des capacités.
Une fois de plus, sur les grandes routes Est-Ouest (hors Transatlantique), la surcapacité structurelle s’installe. De nouveaux navires doivent entrer en opération dans la flotte des compagnies maritimes Cosco et Hyundai à partir de mi-2020. Une arrivée qui viendra impacter encore un peu plus une situation existante déjà excédentaire.
De plus, l’offre de transport est maintenant clairement élargie. Les Routes de la Soie ferroviaires conteneurisées sont devenues pleinement opérationnelles et vont continuer à monter en puissance en 2020. On attend notamment l’arrivée de nouveaux services en température dirigée. Mécaniquement, une part des volumes "maritimes" va vraisemblablement se retrouver sur le train, même si l’aérien était la cible initiale.
Les volumes qui vont transiter par la route Nord seront en revanche trop marginaux pour avoir un impact sur les tarifs de la route classique via Suez.
Les délais d’acheminement devraient rester globalement aussi mauvais qu’en 2019 ! En effet, trop de capacités supplémentaires sont attendues pour pouvoir envisager un scénario d’augmentation de la vitesse des navires. La hausse des tarifs du carburant et son impact sur les coûts de transport, avec l’IMO 2020, ne va pas dans ce sens non plus. On imagine donc mal une des trois grandes alliances maritimes se lancer dans une augmentation des vitesses commerciales. À noter cependant, à la lumière des données de la base Upply, que les nombreux "blank sailings" de ces derniers mois, combinés aux changements de carburant à proximité des côtes ou zones sensibles, ont eu pour résultante d’améliorer les transit times de quelques jours sur les trajets Asie/Europe, mais cela reste un épiphénomène.
Les dernières prévisions de l’OCDE tablent sur une croissance mondiale de 2,9% pour 2020 et la Banque mondiale sur 2,5%. Un très net ralentissement de la progression des échanges physiques de marchandises est attendu, même si les échanges ne sont pas totalement corrélés aux prévisions économiques.
Le monde de la grande distribution peine à se réformer rapidement dans les pays occidentaux : on attend au mieux des volumes annuels stables dans ce secteur voire en légère régression. Le constat est moins négatif dans d’autres secteurs de poids comme l’alimentation et les produits industriels pour lesquels des croissances fortes sont attendues, si l’on en croit les volumes annoncés dans les appels d’offres en cours.
Les incertitudes politiques et les tensions entre États persistent, ce qui nuit globalement au climat des affaires. C’est un élément clé de la faible croissance attendue en 2020.
Aucun problème fondamental n’a été complètement réglé, à commencer par les relations bilatérales Chine-USA. Les ambitions chinoises sont maintenant clairement affichées. L’Europe aussi sort de sa naïveté. En proposant de proroger pour 4 ans le statut actuel très particulier et controversé des exemptions de groupe dont bénéficient les compagnies maritimes, la Commission européenne manifeste un souci évident de préserver les intérêts de l’alliance "européenne" 2M face au rouleau compresseur chinois.
Iran, Irak, Détroit d’Ormuz : la situation critique au Moyen-Orient crée également une instabilité politique inquiétante. Mais cette région n’a pas le monopole. Hong Kong et Taiwan restent des foyers de tensions. La Nouvelle-Calédonie pourrait aussi revenir sur le devant de la scène, avec le nouvel acte lié au référendum d’auto-détermination en septembre. L’étendue des eaux territoriales peut susciter bien des convoitises. En Afrique et en Amérique du sud aussi, on constate des tensions sur les espaces côtiers bordés de routes maritimes majeures. L’impact sur les échanges maritimes est à surveiller.
Face à ces menaces, le coût des assurances spécifiques ne peut qu’augmenter.
Dans nos prévisions 2019, nous avions évoqué l’émergence possible d’un nouvel opérateur digital disruptif de type Amazon ou équivalent, qui viendrait profiter d’un ticket d’entrée dans la profession particulièrement attractif l’an dernier. Le panorama n’a finalement pas été bousculé en 2019 sur ce sujet, dans un marché reconcentré. Choix stratégiques, réticences des pools bancaires, manque de visibilité sur la rentabilité à court et moyen terme dans l’activité ont peut-être freiné les ardeurs.
2020 sera par ailleurs une année déterminante pour évaluer la pertinence du business model "one stop shop" adopté par certaines compagnies maritimes. On pense notamment au rapprochement CMA CGM – CEVA. Côté chinois, Sinotrans est sous le feu des projecteurs.
Le gros problème de cette approche concerne les contrats longs (3 à 5 ans), en raison des engagements et investissements lourds des 2 parties contractantes. On retombe sur les éternels arbitrages entre économies d’échelles et maîtrise stratégique. Le chargeur allège ses équipes en contrepartie d’une intrusion d’un tiers dans sa gouvernance logistique.
Sri Lanka, Djibouti, Trieste, Gdynia, Lome : 2019 restera marquée par la croissance à marche forcée des prises d’intérêts des entreprises chinoises dans la manutention portuaire. Une annonce "tonitruante" est venue confirmer cette tendance en fin d’année : CMA CGM a annoncé la cession de ses participations dans dix terminaux portuaires à Terminal Link, la co-entreprise qu'il forme avec China Merchants Ports. De façon générale, on peut imaginer que les chargeurs chinois vont commencer sérieusement à tout faire pour basculer des contrats historiques en FOB vers le CIF.
Les entreprises chinoises, ZPMC principalement, ont également assis un quasi-monopole planétaire sur la construction et la livraison de portiques à conteneurs de dernière génération.
Enfin, nous attendons en 2020 de lourds programmes d’investissement en Europe de la part des exploitants de terminaux, afin de continuer à accompagner la croissance des trafics reefer.
Le scénario est moins pessimiste et catastrophiste que l’an dernier à la même époque. La situation, sans être réglée, est devenue beaucoup plus claire depuis le dernier vote pro-conservateurs sans appel de décembre dernier au Royaume-Uni.
L’histoire ne manque pas de précédents antérieurs à l’UE dans les relations commerciales anglo-françaises. Un accord préférentiel bi-latéral sous l’égide de l’UE, dans la philosophie du traité Cobden-Chevalier de 1860, serait réalisable assez facilement et rapidement en ciblant les marchandises clés avec des droits préférentiels à 5 et 10% maximum (cf carte animée des échanges marchandise). Retrouvez la carte animée des échanges commerciaux UK-EU-UK de The Guardian à titre d'illustration.
Le premier pas de la dé-sulfurisation de l’industrie est acquis avec l’entrée en vigueur de l’IMO 2020. La deuxième vague va maintenant se concentrer sur la dé-carbonisation à moyen terme de l’activité transport maritime (GNL, hydrogène etc…).
L’entrée en vigueur de l’IMO 2020 n’est pas indolore. J’annonçais l’an dernier des surcharges ponctuelles de 50 à 150 USD par conteneur pour les contrats longs. Il semblerait que cet impact sur les prix de transport se confirme. Les compagnies maritimes montrent globalement une capacité à répercuter les surcoûts, mais avec trois points clés sur lesquels il reste du travail à faire :
On constate par ailleurs une petite surchauffe en ce début d’année sur le marché des soutes LSFO à Singapour, générant des attentes de livraison et de grosses difficultés pour le marché intra-asiatique de répercuter la totalité des surcoûts, les taux de fret étant structurellement déjà très bas sur cette zone maritime.
Enfin, sur un plan plus technique, les opérateurs commencent à devoir faire face à de nouvelles contraintes lourdes de conséquences liées à l’implémentation de l’IMO 2020 :