La relance de la guerre commerciale a engendré un sursaut d’activité au premier semestre 2025, par anticipation. Mais les perspectives économiques globales sont revues à la baisse, alors que se dessine un nouvel ordre mondial instable, qui devrait transformer substantiellement l’organisation des chaînes logistiques.
Au début de l’année 2025, les économistes se montraient très prudents dans leurs prévisions, redoutant une intensification des tensions commerciales avec l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Le scénario s’est vérifié, bien au-delà de ce qui avait été imaginé. Le nouveau président des États-Unis a décidé de taper plus fort et plus largement que lors de son premier mandat, même si le principe de réalité le contraint parfois à des volte-face.
L’économie mondiale est fortement ébranlée par la nouvelle politique commerciale américaine, qui achève de déstabiliser les fondamentaux qui régissaient les échanges mondiaux depuis une trentaine d’années. Au-delà des effets immédiats, on assiste bien à une modification structurelle de l’ordre mondial, qui devrait se répercuter significativement sur l’organisation des chaînes logistiques.
1/ Un nette correction des prévisions de croissance
- La plus faible croissance depuis 17 ans, hors récessions
"Il y a seulement six mois, un 'atterrissage en douceur' semblait envisageable : l'économie mondiale se stabilisait après une série extraordinaire de catastrophes naturelles et humaines au cours des dernières années. Ce moment est désormais révolu", résume la Banque mondiale dans ses prévisions économiques de juin 2025. Les perspectives de croissance actualisées au mois de juin ont été revues à la baisse pour 2025 et 2026. Cette année, le produit intérieur brut réel devrait finalement augmenter de 2,3%, au lieu des 2,8% annoncés en janvier. Il s'agit de la plus faible performance enregistrée depuis 17 ans, hors récessions mondiales, et les projections pour 2026 et 2027 annoncent une croissance également très modeste. 'D'ici 2027, la croissance du PIB mondial devrait atteindre en moyenne seulement 2,5 % dans les années 2020, soit le rythme le plus lent de toutes les décennies depuis les années 1960', souligne la Banque mondiale.
Source des données : Banque mondiale - @ Upply
L’OCDE et Fonds monétaire international avancent comme toujours des prévisions plus optimistes. L’OCDE évoque une hypothèse de croissance de 2,9% à l’échelle mondiale pour 2025 et 2026, soit 0,4 point de moins par rapport à ses prévisions de début d’année. Le FMI, enfin, prévoit une hausse du PIB mondial de 3,0 % en 2025 et 3,1 % en 2026.
Cependant, l’OCDE n’exclut pas une aggravation de la situation. "De nouvelles initiatives renforçant ou modifiant rapidement les barrières commerciales, notamment des mesures de rétorsion, ainsi que l’adoption d’un comportement plus prudent par les consommateurs et les entreprises, ou la poursuite de la réévaluation des risques sur les marchés financiers sont autant de facteurs qui pourraient accentuer le ralentissement de la croissance et provoquer d’importantes perturbations des chaînes d’approvisionnement internationales étroitement imbriquées. Une hausse des anticipations d’inflation des ménages pourrait prolonger les tensions inflationnistes, en particulier dans les économies confrontées à un alourdissement sensible des coûts des échanges ou caractérisées par des tensions persistantes sur le marché du travail, ce qui entraînerait un resserrement monétaire et une dégradation des perspectives de croissance", avertit l’organisation.
- Focus sur la zone Euro
La Commission européenne, dans ses prévisions publiées en mai 2025, a également dégradé significativement ses projections par rapport à la précédente édition, qui remontait à novembre 2024. Cette révision est principalement justifiée par "l'impact de l'augmentation des droits de douane et de l'incertitude accrue causée par les récents changements brusques dans la politique commerciale américaine et l'imprévisibilité de la configuration finale des droits de douane". Depuis, un accord entre les États-Unis et l’Union européenne a été conclu en juillet 2025, sans lever forcément toutes les ambiguïtés.
Le choc est particulièrement violent pour l’Allemagne. Le PIB devrait finalement stagner, alors qu’une croissance de 0,7% était initialement attendue, après deux années d’une récession qui se révèle par ailleurs plus importante que ce qui avait été initialement annoncé. Selon l’Office fédéral allemand des statistiques, le PIB a plongé de 0,7 % et non de 0,1 % en 2023, et de 0,5 % au lieu de 0,3 % en 2024. En 2025, le recul de 0,3% du PIB au 2è trimestre a déjà effacé le gain du premier trimestre. Le gouvernement allemand a annoncé un vaste plan d’investissement visant à "booster la croissance", mais il faudra du temps pour qu’il produise ses effets. À l’inverse, l’Espagne continue d’afficher un taux de croissance nettement supérieur à la moyenne européenne.
Un commerce mondial percuté par la guerre commerciale
Durant sa campagne électorale et les premières semaines de son mandat, Donald Trump avait promis l’instauration de droits de douane additionnels visant en particulier les pays avec lesquelles les États-Unis présentaient le plus fort déficit commercial. L’officialisation de cette stratégie est intervenue le 2 avril, baptisé le "Liberation Day", à travers la présentation d’une première liste de pays assortie des montants de droits de douane additionnels assignés à chacun.
Depuis, les chiffres ont considérablement bougé et il est très difficile de dresser un panorama précis des droits de douane réellement en vigueur, tant cette nouvelle politique commerciale est mouvante. Certains accords commerciaux sont encore en négociations, d’autres sont signés mais les modalités d’application restent floues, et de nouveaux rebondissements ne sont pas à exclure, les droits de douane étant utilisés comme une arme susceptible d’être dégainée à tout moment, y compris pour des motifs sans lien avec les relations commerciales. À cela s’ajoute une grande incertitude juridique : le 29 août 2025, une décision rendue par une cour d’appel américaine a confirmé une décision de première instance selon laquelle une partie des nouveaux droits de douane imposés par Donald Trump étaient illégaux.
Le feuilleton est donc loin d’être terminé, mais en attendant, l’impact de la nouvelle politique commerciale américaine est bien réel. Les échanges mondiaux de biens et de services devraient croître de 2,8 % en 2025 et de 2,2 % en 2026, estime désormais l’OCDE, soit respectivement 0,8 et 1,3 point de pourcentage de moins par rapport aux prévisions de décembre 2024. "Ce recul s’explique en grande partie par la contraction des échanges aux États-Unis, en Chine et chez les partenaires régionaux qui sont fortement intégrés dans les chaînes de valeur mondiales", mais "la mise en place de droits de douane à l’importation aux États-Unis et l’accentuation des incertitudes entourant la politique commerciale auront aussi de lourdes conséquences en Europe", précise l’OCDE (...)
AU SOMMAIRE
1/ Un nette correction des prévisions de croissance
- La plus faible croissance depuis 17 ans, hors récessions
- Un très fort recul pour les États-Unis
- Focus sur la zone Euro
2/ Une inflation stable… pour l’instant
3/ Un commerce mondial percuté par la guerre commerciale
- Un sursaut d’activité au premier semestre pour le commerce de biens
- Une réorientation de certains flux
4/ Des prix de transport stables ou en baisse
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