L’imminence de l’application de nouveaux droits de douane a stimulé la demande mondiale de fret aérien en juillet 2025. Le marché devrait connaître des évolutions erratiques dans les mois qui viennent, au gré des futures fluctuations de la politique commerciale américaine.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de juillet 2025
Les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA) montrent une hausse du trafic mondial de fret aérien de 5,5% en juillet 2025 en glissement annuel, et de 6% sur les liaisons internationales uniquement. Un véritable rebond par rapport au modeste taux de 0,6% constaté en juin, et qui permet à l’industrie d’égaler les taux de croissance observés en mars et avril, quand la perspective d’une introduction des nouveaux droits de douane américains alors prévue en mai avait dopé la demande.
En données corrigées des variations saisonnières, les volumes ont connu la deuxième plus forte augmentation de l'année, avec une croissance de 5,1 % qui permet d’atteindre un total d’environ 24 milliards de tonnes-kilomètres transportées."Ces chiffres sont la conséquence des révisions des tarifs douaniers américains en juillet et des tentatives des expéditeurs de minimiser leur impact en anticipant leurs expéditions ou en optant pour le fret aérien plutôt que d'autres modes de transport plus lents", estime l’IATA.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Toutes les routes internationales ont profité du mouvement de croissance, à l’exception de l’axe Asie-Amérique du Nord, qui enregistre son troisième mois consécutif de recul avec une baisse des volumes de 1% en juillet en glissement annuel. Cela témoigne d’une amélioration par rapport aux -4,2% du mois de juin, mais les nouveaux droits de douane pèsent incontestablement sur la demande.
En réponse à ces droits de douane massifs imposés par les États-Unis, les productions manufacturières asiatiques se tournent vers d’autres débouchés, et en particulier vers l’Europe, ce qui se traduit dans les résultats du fret aérien. Le corridor Asie – Europe affiche une croissance de 13,5% en juillet, après avoir déjà progressé de 10,5% en juin. L’axe Afrique-Asie, après plusieurs mois de net repli, renoue également avec la croissance (+12,5%). Les volumes ont aussi connu une hausse à deux chiffres sur l’intra-Asie, en progression de 10,3%. Les compagnies aériennes asiatiques apparaissent logiquement comme les principales bénéficiaires de ce mouvement avec une augmentation des volumes de 11,1%, suivies par les compagnies africaines et européennes.
Ces dernières ont aussi profité des performances de l’axe Europe-Amérique du Nord, dopé par la perspective de l’entrée en vigueur effective des droits de douane additionnels. Le trafic a augmenté de 9,6% en glissement annuel, soit 5,6 points de plus qu’en juin 2025.
- Cumul annuel à fin juillet 2025
Durant les sept premiers mois de 2025, le trafic mondial affiche une croissance de 3,1% par rapport à la même période de 2024, grâce au rebond du mois de juillet. Globalement, l’augmentation des volumes est sensiblement en ligne avec celle des capacités. Sur les seules liaisons internationales, l’offre progresse toutefois un peu plus vite que la demande.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Capacités
En juillet, la capacité mondiale (ACTK) a augmenté de 3,9 % en glissement annuel, atteignant environ 53,4 milliards de tonnes-kilomètres. Cela est dû principalement à l’augmentation des capacités cargos disponibles en soute des avions passagers, qui affichent une hausse de 7,3 % en glissement annuel en juillet, et de 5,2 % en glissement mensuel. Cela s’explique notamment par la densification du programme des vols passagers en été, en raison de la forte demande estivale.
Parallèlement, l'offre tout cargo n’a augmenté que de 1,0 % en glissement annuel. "Ce résultat était prévisible compte tenu de la contraction continue observée sur le principal corridor international Amérique du Nord-Asie, qui dépend fortement des avions-cargos dédiés, et du maintien de restrictions de vols sur les routes à destination et en provenance du Moyen-Orient, en raison des tensions géopolitiques", précise l’IATA.
2/ L’évolution des prix
Selon l’IATA, la recette unitaire moyenne, surcharges incluses, a augmenté de 0,8% en juillet en glissement mensuel, mais a diminué de 2,0% en glissement annuel. Globalement, l’accès aux capacités n’est actuellement pas problématique, ce qui explique ces fluctuations modestes. Les données Upply montrent des taux de fret orientés plutôt à la baisse en glissement mensuel, mais dans des proportions assez modérées. En glissement annuel, la palme de la croissance revient à l’axe Europe/Amérique du Nord Côte Est, ce qui peut s’expliquer par l’effet d’anticipation des droits de douane.
Source : Upply Freight Index
3/ Les perspectives
Au premier semestre, les incertitudes créées par la nouvelle politique commerciale américaine ont globalement eu un effet dopant sur les échanges mondiaux, les chargeurs s’empressant de passer commande avant l’introduction des nouveaux tarifs douaniers. Cependant, l’évolution constatée sur le corridor Asie-Amérique du Nord, qui a vécu en quelque sorte en avant-première l’impact de tarifs très lourds, illustre l’exposition de l’industrie du fret aérien à ce nouveau risque.
Désormais, plusieurs signaux défavorables apparaissent. "L'activité manufacturière mondiale s'est contractée en juillet, l'indice PMI tombant à 49,66, soit la deuxième baisse sous le seuil de croissance de 50 depuis janvier. Les nouvelles commandes à l'exportation sont également restées négatives à 48,2 pour le quatrième mois consécutif, reflétant une baisse de confiance dans un contexte d'incertitude quant à la politique commerciale américaine", souligne l’IATA.
D’autre part, l’administration américaine a mis à exécution son projet d’étendre à tous les pays la fin de l’exemption des droits de douane pour les colis d’une valeur inférieure à 800 USD. Une mesure qui va peser sur l’industrie du fret aérien en touchant un de ses segments les plus porteurs, le e-commerce transfrontalier.
Enfin, le contexte économique mondial, marqué par une grande incertitude, conduit les ménages et les entreprises à adopter une attitude prudente en matière de dépenses et d’investissements. En 2025, la traditionnelle haute saison de fin d’année devrait en conséquence se révéler assez calme.
