La baisse du trafic des ports chinois au cours des deux premiers mois de 2020 n'est pas une surprise, compte tenu de l'arrêt de la production en Chine lié à la pandémie de Covid-19. Selon les données publiées par le ministère chinois des Transports, le trafic global des ports chinois a diminué de 8%, et le trafic de conteneurs de 11% (figure 1).
Figure 1 - Source de données : Ministère chinois des transports
Plus précisément, au cours des deux premiers mois, à l'exception de Qingdao, quatre des cinq principaux ports chinois ont subi une baisse à deux chiffres par rapport à l'année dernière sur le marché des conteneurs. Le port de Shanghai, notamment, essuie une perte de 15% en volume global et de 11% pour les conteneurs (figure 2).
Figure 2 - Source des données : Ministère des transports chinois.
Si le volume total des expéditions enregistre une baisse à deux chiffres, le commerce international apporte une lueur d'espoir, avec une augmentation de 1,15% au cours des deux premiers mois (figure 2). Mais il faut souligner que cette hausse est surtout liée au transport national de vracs secs, comme le minerai, le charbon, le soja, etc., et non au transport par conteneurs de produits manufacturés. Cette conclusion est tirée des observations suivantes :
Le port du golfe de Beibu s'est nettement démarqué. Il est le seul à connaître une croissance à la fois du volume du commerce international (+14%) et du transport de conteneurs (+35%) au cours des deux premiers mois de 2020. La tendance est particulièrement marquée en février, avec une croissance de 50% du volume de transport de conteneurs. On peut en déduire que la croissance du commerce international via le port du golfe de Beibu était davantage associée à l'expédition de produits manufacturés. Alors que le trafic est resté plutôt modeste, le taux de croissance important de ce port face à l'arrêt massif de la production chinoise mérite d'être examiné de plus près.
Situé dans la province du Guangxi, dans le sud-ouest de la Chine, le port du golfe de Beibu est identifié comme l'un des hubs logistiques stratégiques pour l'un des projets de connexion ambitieux de la Chine dans le cadre de l'initiative de la Nouvelle Route de la Soie: le Nouveau corridor de commerce international terre-mer. Ce projet vise à développer des liaisons maritimes intermodales entre la Chine occidentale et l'Asie du Sud-Est afin de soutenir un futur pôle de supply chain dans la région. À ce titre, le trafic du port du golfe de Beibu est étroitement lié au commerce de la Chine avec l'Asie du Sud-Est.
Au cours des deux premiers mois de 2020, pour la première fois de son histoire, l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est[1] (ASEAN), si on la considère comme une entité unique, a dépassé l'Union Européenne en tant que plus grand partenaire commercial de la Chine, représentant 14,4% du commerce international chinois. L'augmentation du commerce Chine-ASEAN est principalement due aux importations chinoises en provenance des pays d'Asie du Sud-Est plutôt qu'aux exportations, puisque les premières ont augmenté de 9% alors que les secondes ont diminué de 3,6%.
Figure 3 - Source de données : Administration générale des douanes chinoises
La croissance globale des importations chinoises en provenance de l'ASEAN peut être largement attribuée au Vietnam (+26%). Plus précisément, pour ce pays, l'augmentation est due à l'essor important des importations chinoises de produits de machines électroniques (+68%), tels que les ordinateurs, les téléphones portables et les pièces intermédiaires, y compris les semi-conducteurs. Cela peut être lié au fait que les entreprises chinoises, ces dernières années, ont largement déplacé leurs secteurs manufacturiers à forte intensité de main-d'œuvre au Vietnam. Selon les rapports locaux vietnamiens, au 15 février, environ les deux tiers des exportations vietnamiennes totales provenaient des entreprises à investissement étranger direct.
Figure 4 - Source des données: Administration générale des douanes chinoises.
L'augmentation des exportations vietnamiennes de produits de machines électroniques en février, après une baisse en janvier, pourrait également refléter la reprise de la production dans le secteur chinois manufacturier de haute technologie en février. Cependant, avec les gouvernements d'Asie du Sud-Est qui tentent de mettre en œuvre des mesures plus strictes pour contenir la propagation de la pandémie, le commerce Chine-ASEAN sera confronté à des défis supplémentaires dans les prochains mois.
Parallèlement au soulagement progressif de la situation chinoise concernant la pandémie de Covid-19, l'offre et la demande en Chine se redressent également. Toutefois, l'un des problèmes émergents sera la baisse de la demande sur le marché mondial au cours des prochains mois.
Certes, on constate dans l'immédiat une demande accrue pour les équipements médicaux. Par exemple, récemment, les États-Unis ont exclu plusieurs produits de protection médicale de la liste des produits chinois soumis à des contraintes douanières, car ils sont très demandés pour contenir la pandémie de Covid-19.
Mais d'un autre côté, la Chine fait face à une demande en baisse sur le marché mondial, en raison de la fermeture de sites de vente au détail et de fabrication afin de contenir la pandémie. Ce sera particulièrement le cas pour les exportations chinoises vers les États-Unis et l'UE. Par exemple, il est signalé que le secteur chinois de la fabrication de textiles, essentiellement orienté vers l'exportation, est désormais confronté à des annulations de commandes en provenance d'Europe et des États-Unis. Une situation similaire peut être anticipée pour d'autres secteurs manufacturiers en Chine, ce qui pourrait encore aggraver la baisse de la demande de transport de conteneurs entre la Chine et l'Europe pendant l'épidémie de Covid-19.
[1] L'ASEAN fait référence à dix pays : Singapour, Malaisie, Vietnam, Thaïlande, Indonésie, Philippines, Laos, Cambodge, Birmanie et Brunei.