BILAN. L’industrie mondiale du fret aérien a battu des records de trafic en 2024. Le chiffre d’affaires cargo est reparti à la hausse, et la tendance devrait se poursuivre en 2025.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de décembre 2024
Le mois de décembre est venu confirmer la bonne santé du fret aérien en 2024. Le trafic mondial exprimé en tonnes-kilomètres a progressé de 6,1% en glissement annuel, selon les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA). Il s’agit du 17è mois consécutif de croissance. En glissement mensuel, la hausse se limite à 0,9% en données corrigées des variations saisonnières, soit un trafic d’environ 24,2 milliards de tonnes-kilomètres (t-km), selon nos estimations.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Sur les liaisons internationales, le trafic a augmenté de 7%. Les principaux axes sont en progression, à l’exception de la route Afrique-Asie, en baisse de 4% en glissement annuel. Le trafic intra-Asie détient la palme de la croissance avec +11%, suivi de près par le corridor Europe-Asie, qui enregistre sont 22è mois consécutif de progression en glissement annuel avec une hausse de 10,3% en décembre. Première route mondiale en volume, le corridor Asie-Amérique du Nord affiche quant à lui une augmentation de 8 % en glissement annuel, son 14e mois consécutif d'expansion.
- Cumul annuel à fin décembre 2024
La demande mondiale de fret aérien a augmenté de 11,3% en 2024 par rapport à 2023, et de 12,2% sur les liaisons internationales. Le secteur atteint ainsi un nouveau record historique, dépassant de 0,5 % les volumes du précédent record atteint en 2021, lors de la reprise post Covid. Le trafic s’établit ainsi à environ 275 milliards de tonnes-kilomètres.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
La performance de l’industrie du fret aérien est d’autant plus remarquable qu’en 2024, le commerce mondial de biens n’a progressé que de 3,6%. Le secteur a notamment bénéficié d’une forte croissance du e-commerce transfrontalier, mais aussi d’un certain nombre de facteurs exogènes, à commencer par les perturbations du transport maritimes en mer Rouge. L’industrie mondiale du fret aérien enregistre ainsi une progression nettement supérieure aux prévisions initiales puisqu’en décembre 2023, l’IATA projetait une baisse de 17,3% du chiffre d’affaires cargo mondial, pour un trafic en hausse de 4,5%.
- Capacités
Les capacités offertes ont augmenté de 3,7% en décembre 2024 en glissement annuel, et de 0,7% en glissement mensuel après correction des variations saisonnières. Selon nos estimations, elles s’élèvent ainsi à environ 52,2 milliards de tonnes-kilomètres. Pour l’ensemble de l’année 2024, l’offre affiche une croissance de 7,4%, bien plus modérée que la progression du trafic.
Sur les liaisons internationales, l’augmentation des capacités est essentiellement nourrie par la croissance de l’offre en soute des avions passagers. Elle a progressé de 6,5% en décembre en glissement annuel, représentant ainsi 53,9% de l’offre totale sur les liaisons internationales, contre 53,2% en décembre 2023. Pour le 9è mois consécutif, l’offre tout cargo a progressé (+3,8% en décembre en glissement annuel), mais sa part passe de 46,8% en décembre 2023 à 46,1% en décembre 2024. Globalement, en 2024, l’offre provient des capacités en soute à hauteur de 54,8 %, contre 45,2% pour les capacités tout cargo. En 2023, ces chiffres étaient respectivement de 52,5% et 47,5%.
L’évolution de la demande supérieure à celle de l’offre a permis une hausse du coefficient de remplissage. En décembre 2024, il s’établit à 52,5 % à l’international, en progression de 0,9 point de pourcentage en glissement annuel. Pour l’ensemble de l’année, il progresse de 0,5 point à 51,3%.
2/ L’évolution des prix
Non contente d’avoir battu un record de trafic, l’industrie mondiale du fret aérien est également parvenue à assurer une croissance rentable en 2024, malgré une érosion de la recette unitaire moyenne que l’IATA estime à -3,7% par rapport à l’année précédente. Cette baisse est nettement inférieure aux -21% annoncés en décembre 2023 par l’IATA pour l’année 2024, et la recette unitaire reste 53,4% au-dessus du niveau pré-Covid de 2019.
Le chiffre d’affaires cargo des compagnies mondiales est reparti à la hausse, puisqu’il est évalué à 149 milliards de dollars, contre 139 Md$ en 2023. Cette fois, le record de 2021, 210 milliards de dollars, n’est pas battu.
Source : Upply Freight Index
En décembre, la recette unitaire, surcharges incluses, a connu une légère baisse de 0,4% d'un mois sur l'autre, la première en cinq mois, indique l’IATA. Mais elle est quand même en hausse de 6,6 % en glissement annuel.
Les évolutions de tarifs sont assez hétérogènes. En décembre, par exemple, on constate une légère hausse de +1,5% en glissement mensuel sur l’axe Europe/Amérique du Nord côte Est. Cela peut s’expliquer notamment par un surcroît de commandes, lié à deux facteurs exceptionnels : la perspective de droits de douane additionnels avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis et la menace de grève dans les ports de la côte Est des États-Unis. Cette grève, prévue à compter du 15 janvier, n’a finalement pas eu lieu, un accord entre les dockers et les entreprises de manutention étant intervenu une semaine avant l’échéance.
En glissement annuel, comme le montre les données Upply, c’est aussi un facteur extérieur qui a permis de soutenir les taux de fret sur certains axes et d’éviter un recul généralisé. Les attaques des rebelles houthis contre les navires transitant par le canal de Suez ont conduit à un détournement massif via le cap de Bonne-Espérance, ce qui a allongé les délais d’acheminement et perturbé les chaînes logistiques le temps que les nouveaux circuits se mettent en place. Ce facteur a favorisé le recours au fret aérien et permis de soutenir les taux de fret sur l’Asie-Europe.
Source : Upply Freight Index
3/ Les perspectives
Selon les prévisions de l’IATA pour 2025, l’industrie du fret aérien devrait continuer à croître en 2025. Le trafic devrait progresser de 5,8% et le chiffre d’affaires de 5,7% pour atteindre 157 milliards de dollars. La recette unitaire subirait une diminution de 0,5%.
Cependant, les incertitudes économiques et géopolitiques rendent l’exercice de la prévision particulièrement aléatoire. "Les fondamentaux économiques laissent présager une nouvelle bonne année pour le fret aérien, avec des prix du pétrole en baisse et des échanges commerciaux qui continuent de croître. Il ne fait toutefois aucun doute que l'industrie du fret aérien devra s'adapter aux changements géopolitiques en cours. La première semaine de l'administration Trump a démontré son intérêt marqué pour l'utilisation des tarifs douaniers comme outil politique qui pourrait entraîner un double coup dur pour le fret aérien - en stimulant l'inflation et en affectant le commerce", a estimé Willie Walsh, directeur général de l'IATA.
Pour l’instant, un certain nombre d’annonces de droits de douane additionnels ont été suivies de reports immédiats de leur entrée en vigueur. Il faudra donc attendre quelques semaines pour connaître le cadre général qui devrait prévaloir en 2025, à supposer que l’on parvienne à une certaine stabilité. Cependant, il apparaît à ce stade que le e-commerce transfrontalier, qui a stimulé l’activité de fret aérien en 2024, devrait subir l’impact de cette guerre commerciale, à travers les droits de douane additionnels, mais aussi via les changements réglementaires concernant la valeur maximale permettant d’exempter certaines expéditions de droits de douane.
- Une surveillance accrue du e-commerce transfrontalier
L’administration Trump a annoncé la suspension de la règle douanière des minimis, qui dispensait de droits de douane les expéditions d’une valeur inférieure à 800 $. Une législation qui était d’ailleurs déjà dans le viseur de l’administration Biden, qui avait initié une réforme en deux temps.
Les États-Unis ne sont pas les seuls à pointer du doigt cette faille qui a conduit à un développement exponentiel du nombre de colis acheminés en bénéficiant d’exemption. La Commission européenne a elle-aussi présenté le 5 février une communication sur le e-commerce, invitant les pays membres à adopter rapidement le train de mesures sur la réforme de l'union douanière, qui prévoit notamment la suppression de l'exonération des droits pour les colis d'une valeur inférieure à 150 EUR.
Les États-Unis comme l’Union européenne souhaitent également renforcer les contrôles, car ce circuit d’expédition est aujourd’hui prisé pour l’acheminement de marchandises illicites.
- Une croissance économique modérée
En dehors des incertitudes sur ce marché du e-commerce, les prévisions économiques globales et les tensions géopolitiques font également planer quelques nuages sur les perspectives de l’industrie du fret aérien.
En décembre, l'indice des directeurs d'achat de la production manufacturière (49,2) et l'indice des nouvelles commandes à l'exportation (48,2) étaient tous deux inférieurs au seuil des 50, ce qui indique une baisse de la production manufacturière mondiale et des exportations. La Banque mondiale anticipe d’ailleurs "une expansion modérée de la croissance mondiale de 2,7% en 2025". Le produit intérieur brut (PIB) de la zone Euro devrait progresser de seulement 1%, contre 2,3% pour les États-Unis et 4,5% pour la Chine. Cela ne signifie d’ailleurs pas que ces deux économies sont exemptes de difficultés. Les États-Unis peine à endiguer l’inflation. Celle-ci a encore augmenté de 0,2 point de pourcentage pour atteindre 2,9 % en décembre (+2,7% dans l’UE). L’introduction de nouveau droits de douane pourrait encore accentuer le phénomène. La Chine vit la situation inverse avec une inflation de 0,1 % des prix à la consommation en décembre et un 4è mois consécutif de baisse en glissement annuel, "renforçant les craintes d'un ralentissement économique", souligne l’IATA.
En 2025 comme en 2024, les aléas économiques et géopolitiques pourraient donc venir une nouvelle fois déjouer les prévisions.
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