Le quatrième trimestre 2024 s’annonce très délicat à aborder en matière de rentabilité pour les compagnies maritimes. En effet, pour des chargements au mois d’octobre entre l’Asie et l’Europe du Nord via le cap de Bonne-Espérance, qui est aujourd’hui la route la plus utilisée, les taux FAK spot se situent sous le seuil des 3000 USD/40’.
L’indice Upply des taux de fret maritime sur l’axe Asie-Europe, qui reflète l’évolution des prix spots et contractuels, montre également un net décrochage à partir du mois d’août.
Source : Upply Freight Index
Ce marché Asie-Europe, très important pour les compagnies maritimes, se lézarde au plus mauvais moment, alors que la saison des appels d’offres commence à battre son plein et que les services 2025 se dessinent sans réelles avancées qualitatives convaincantes à ce stade.
Cette situation de mise sous pression de la rentabilité des compagnies maritimes était attendue, mais nettement plus tard, dans le courant de l’année 2025.
À ce stade, nous estimons que la rentabilité des compagnies maritimes sera préservée en 2024, pour deux raisons majeures :
Quand la houle se forme, MSC s’en sort traditionnellement mieux que la moyenne. Cette compagnie est taillée historiquement pour performer dans l’adversité, grâce à sa taille et à sa maîtrise des coûts d’exploitation. Ceux-ci restent les plus bas du marché, en partie grâce à la scrubberisation massive de la flotte. Par ailleurs, MSC contrôle aujourd’hui une grande partie de la chaîne de valeur, en s’appuyant sur ses propres terminaux portuaires, alors que ses concurrents restent encore trop tributaires de prestataires extérieurs.
Avec la reconfiguration à venir des alliances maritimes, MSC est la seule compagnie qui, avec l’appui de ZIM sur le Transpacifique, offre sous son nom une couverture planétaire élargie indépendante en matière de palette de services de ligne. Si elle n’est pas entravée politiquement dans sa croissance par des autorités étatiques ou assimilées, rien ne devrait arrêter ce rouleau compresseur qui entre dans la bagarre avec un très beau trésor de guerre engrangé pendant le Covid, et finalement peu redistribué, ce qui est moins le cas de ses concurrents directs comme CMA CGM.
Alors qu’en France, le débat dans les sphères politiques est aujourd’hui grandement focalisé sur l’opportunité de taxer ou pas les profits exceptionnels de CMA CGM, il serait urgent d’éclairer notre représentation nationale et l’opinion publique sur le fait que notre fleuron maritime, après avoir grandement aidé le pays sur des dossiers sensibles (Brittany Ferries, Gefco, Bolloré, Neoline, etc.) pourrait rapidement faire face à des vents contraires.
En maritime, la roue tourne toujours très vite. Les victoires d’hier ne protègent pas des retournements du lendemain, c’est bien pour cela que pour tenir, il faut toujours être gros, voire le plus gros. Cette vision philosophique et stratégique soutenue en son temps par Jacques Saadé se vérifie une fois de plus à l’approche d’une année 2025 qui s’annonce très difficile, tant les fondamentaux du marché sont dégradés.