Alors que la réouverture de la mer Rouge semble être une priorité de la Maison Blanche, la nouvelle politique maritime américaine globale continue de se dessiner. Parallèlement, la stratégie agressive des États-Unis en matière de droits de douane additionnels se confirme. Autant de paramètres qui pourraient peser lourd sur l’offre et la demande.
Revenons ensemble sur ce mois de mars bien chargé qui a commencé en fanfare avec le TPM 2025 de Long Beach, un salon réunissant tous les ans le gotha international du conteneur (4200 participants de 42 pays). La nouvelle politique américaine a évidemment occupé une bonne place dans les discussions.
Les compagnies maritimes conteneurisées annoncent globalement d’excellents résultats financiers pour 2024, nettement supérieurs aux prévisions initiales. En conduisant à une remontée des taux de fret, la crise en mer Rouge a clairement permis de sauver l’année.
2025 démarre dans des conditions plus délicates, car les opérations via le cap de Bonne-Espérance se sont désormais normalisées. Symptôme de cette nouvelle donne : MSC a sorti temporairement ses méga porte-conteneurs du trade Asie-Europe du Nord pour soutenir les taux de fret, en espérant être suivie par les autres alliances maritimes. L’armement italo-suisse a basculé cette flotte encombrante en Méditerranée.
En ce début d’année, les compagnies maritimes sont régulièrement interrogées sur un éventuel rétablissement du passage des navires par le canal de Suez, et toutes se montrent très réservées. Après Maersk et MSC, Hapag-Lloyd a également fait savoir par la voix de son CEO Rolf Habben Jansen qu’un tel retour ne se ferait en tout état de cause que de manière très progressive.
Le sujet semble en tout cas revenir en tête des priorités de la nouvelle administration américaine. Au mois de mars, les États-Unis ont intensifié les frappes contre les rebelles houthis du Yémen.
L’administration américaine du Commerce (USTR, United States Trade Representative) a proposé une série de mesures de taxation financière visant les navires chinois escalant dans les ports américains, mais aussi les compagnies maritimes exploitant des navires chinois et les opérateurs chinois. Cette annonce, qui est intervenue quelques jours avant le début du TPM25 de Long Beach, a bien sûr largement alimenté les conversations. "Des surtaxes sur les escales dans les ports américains auraient pour effet de concentrer l’activité sur les plus grands ports et de faire grimper l’inflation sur les prix de détail, car ces frais seraient répercutés sur la marchandise", a averti Soren Toft, le CEO de MSC. D’autre part, un tel cas de figure présente un risque avéré de congestion portuaire dans les grands ports chinois, à Singapour ainsi qu’à Los Angeles et Long Beach. L’Europe ne devrait pas subir les mêmes conséquences.
La Commission maritime fédérale américaine (FMC) a annoncé le lancement d’une enquête portant sur sept zones critiques pour le transport maritime mondial, dans le but d'identifier si "des réglementations, des politiques ou des pratiques y créent des conditions défavorables au transport maritime". Les sept "goulets d'étranglement" examinés sont le passage du Nord-Est, la Manche, le détroit de Malacca, le détroit de Singapour, le détroit de Gibraltar, le canal de Panama et le canal de Suez. Si l’on retrouve dans cette liste des points chauds bien connus, l’inclusion de la Manche laisse entrevoir des objectifs commerciaux en plus des objectifs sécuritaires.
En février, le président panaméen José Raul Mulino a annoncé officiellement le retrait de son pays du projet des routes de la Soie, ce que n’avait pas manqué de déplorer la Chine. Nouvelle étape en mars sur ce dossier de Panama mis en avant par le président Trump dès son investiture : le groupe hongkongais Hutchison Ports est entré en négociation exclusive avec un consortium formé par le fonds d’investissement américain Black Rock et Terminal Investment Limited (TiL), filiale du groupe MSC, pour la cession de la quasi-totalité de ses ports. Dans le panier se trouvent notamment les terminaux portuaires de Balboa et de Cristobal, à chaque extrémité du canal de Panama. Le président Trump a immédiatement salué cet accord comme le début de la reconquête du canal. Mais alors qu’une signature de la transaction avait été annoncée pour début avril, elle a finalement été ajournée.
Dans un pareil contexte, il faut être audacieux pour signer des contrats prévoyant des taux de fret fixes pendant un an, même s’il est maintenant admis que les contrats sans clause de revoyure ne tiendront pas dans la durée sans être réouverts, en cas de retour massif via la mer Rouge en 2025 (...).