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Coronavirus et fret aérien : le pire reste à venir

Rédigé par Anne Kerriou | 17 mars 2020

Le trafic mondial de fret aérien a diminué de 3,3% en janvier 2020 par rapport à la même période de 2019. Mais le pire reste à venir, en raison de l’épidémie du coronavirus qui perturbe la production des usines et les liaisons aériennes.

L’apaisement de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, qui s’est traduit par la signature d’un accord provisoire sur les tarifs douaniers le 15 janvier, laissait espérer une reprise dans l’industrie du fret aérien en 2020. Mais l’épidémie de Covid-19 est venue contrarier violemment ces perspectives.

Le trafic en tonnes-kilomètres a diminué de 3,3% par rapport à janvier 2019, marquant le 10ème mois consécutif de baisse pour le secteur. On note également une nette accélération de la chute, qui se limitait à -1,4% au mois de décembre. Parallèlement, les capacités ont augmenté de 0,9% en janvier. Le coefficient de remplissage a ainsi régressé de 1,9 point à 45%.

Un choc ressenti à partir du mois de février

Selon l’IATA, la crise du coronavirus n’a qu’une portée limitée sur les résultats de janvier. La faiblesse du trafic s’explique essentiellement par les dates du Nouvel An chinois, plus précoce qu’en 2019. Les usines ont fermé plus tôt que l’an dernier, d’où une diminution des volumes.

L’impact des mesures prises pour contrer l’épidémie de coronavirus devrait en revanche se faire nettement sentir en février. D’une part, les usines sont restées fermées en Chine plus longtemps que prévues en raison du confinement décidé dans certaines provinces : il y a donc eu moins de marchandises à transporter. D’autre part, les compagnies aériennes ont interrompu leurs services sur certaines destinations.

"Les jours difficiles sont devant nous", prévient Alexandre de Juniac, directeur général et CEO de l’IATA, en précisant que de nombreuses incertitudes planent sur la suite des événements. La suspension pour 30 jours de tous les voyages d’étrangers depuis l’Europe (espace Schengen) vers les États-Unis à partir du 13 mars, annoncée par Donald Trump, confirme le danger.

Un secteur très exposé

Le fret aérien est d’autant plus exposé que la Chine pèse lourd dans cette industrie. Des secteurs comme l’automobile, le luxe ou les semi-conducteurs, très touchés par la paralysie des usines, sont traditionnellement d’importants consommateurs de fret aérien. D’autre part, le poids de la Chine dans l’économie mondiale s’est globalement fortement accru par rapport à l’épidémie de SRAS de 2003.

Source : IATA

L’IATA anticipe notamment des conséquences très négatives en termes de trafic sur les axes Asie-Europe et Asie-Amérique du Nord, qui représente à eux deux plus de 40% du trafic international. Mais compte tenu de l’extension rapide du virus dans toutes les régions du monde, aucune ne devrait être épargnée. Les trois grands marchés mondiaux du fret aérien, à savoir l’Amérique du Nord, l’Asie et l’Europe, sont désormais dans la tourmente.

Quel sera l’impact de la crise sur les prix de transport ? Dans le sens Europe-Asie, notre base de données Upply révèle une chute des taux de fret depuis le mois de janvier qui devrait se prolonger. En revanche, dans le sens Asie-Europe, les prix devraient repartir à la hausse. Le redémarrage progressif des usines en Chine, alors que les capacités disponibles restent limitées en raison des restrictions sur les vols passagers, favorisera cette tendance.

L’Afrique encore épargnée en janvier

En janvier, les compagnies aériennes les plus touchées par le déclin étaient celles d’Asie-Pacifique (voir le tableau ci-dessous), même si la demande est légèrement positive en données corrigées des variations saisonnières. On note d’ailleurs la même tendance pour les transporteurs d’Amérique du Nord. Du côté de l’Europe, en revanche, la chute se confirme en données brutes comme en données corrigées. Les compagnies du Moyen-Orient enregistrent également une baisse, et l’IATA souligne leur exposition significative à l’impact du Covid-19, compte tenu du rôle de hub de cette région.

Deux régions, enfin, sont en zone positive : l’Amérique latine et surtout l’Afrique, dont les compagnies aériennes enregistrent la plus forte hausse de toutes les régions pour le 11ème mois consécutif. La faiblesse des informations sur l’épidémie de coronavirus dans cette zone ne permet pas de mesurer précisément le risque pour les mois qui viennent, mais compte tenu des liens de ce continent avec la Chine, on voit mal comment la crise pourrait durablement épargner l’Afrique.