Analyse Transport & Logistique

Des compagnies maritimes impuissantes face au retournement du marché

11 juillet 2023

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BAROMÈTRE. Un premier semestre bien morose s’achève dans le transport de conteneurs pour les compagnies maritimes et les grands NVOCC. Ils ont assisté, impuissants, à la déconfiture continue de leurs résultats d’exploitation, en chiffre d’affaires, en volumes, comme en marge.

Les volumes à transporter retrouvent à peu près le niveau de 2019, après la surchauffe post-Covid. Parallèlement, les capacités et les coûts d’exploitation augmentent, alors que les taux de fret FAK à l’import de Chine vers l’Europe du Nord oscillent maintenant dangereusement sous la barre des 4 chiffres par conteneur. Le marché Asie-Méditerranée résiste un peu mieux, mais pour combien de temps encore ? En effet, les compagnies positionnent des navires sur ce trade pour tenter de profiter de tarifs un peu plus rémunérateurs pour elles, ce qui va mécaniquement déstabiliser le rapport offre-demande. Les restructurations pressenties en début d’année commencent à se matérialiser. Les réductions d’effectifs, retraites anticipées et autres plans d’urgence sont à nouveau à l’ordre du jour, laissant entrevoir des lendemains difficiles pour l’emploi dans les compagnies.

Les hausses tarifaires ne passent pas

La baisse est perceptible sur la quasi-totalité des trades et les "bastions" se font rares. Même les territoires d’outre-mer, qui avaient traversé la crise du Covid avec une évolution tarifaire très raisonnable, connaissent aujourd’hui des remises en question.

Les GRI (General Rate Increases) ne passent pas et doivent être retirées avant même d’être entrées en vigueur. Les frais annexes, tels que les frais de détention et surestaries, sont scrutés à la loupe par la FMC aux États-Unis, avec de grosses amendes à la clé pour les compagnies. En Europe, la marchandise est beaucoup moins prête que pendant la pandémie à accepter les exigences parfois infondées des compagnies en matière de frais portuaires. Sur le plan du transport intérieur, la part de carrier haulage baisse sensiblement pour les compagnies au profit du merchant haulage, privant de fait les compagnies d’une ressource dont elles auraient bien besoin actuellement.

Un système dérogatoire beaucoup moins contesté

En 2020, alors que démarrait tout juste la pandémie de Covid-19, la Commission européenne avait décidé de prolonger de 4 ans le règlement d'exemption par catégorie, qui permet aux compagnies maritimes de bénéficier d’un système dérogatoire en matière de droit à la concurrence. À l’époque, cette décision avait déclenché la colère des clients des compagnies maritimes.

Mais dans le contexte actuel, le débat autour d’une réforme de ce système, dont la prolongation arrive à expiration le 25 avril 2024, a perdu une grande partie de sa substance. En effet, les protocoles de sortie de l’Alliance M2 sont déjà bien avancés entre Maersk et MSC, gage pour le marché qu’il n’y aura a priori pas de marche arrière dans le processus de la part des deux futurs "divorcés". Les chargeurs ont globalement besoin du niveau de service que peuvent offrir les deux autres grandes alliances. Il y a donc fort à parier, à ce stade en tout cas, que le lobby des chargeurs va exercer une pression beaucoup moins forte à Bruxelles (...)

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Expert du transport maritime depuis 25 ans, Jérôme met toute sa connaissance du secteur au profit d'Upply. Capitaine de navire dans l'âme, il est également l'auteur du Lexique anglais-français du transport maritime conteneurisé (Paris : CELSE, 2001).
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