Analyse Transport & Logistique

Fret aérien : des prévisions revues à la baisse

13 juin 2023

BAROMÈTRE. Les volumes et les prix du fret aérien restent en repli au mois d’avril en glissement annuel. L’IATA a revu ses prévisions à la baisse pour 2023.

Une nouvelle fois, en avril 2023, la demande mondiale de fret aérien mesurée en tonnes-kilomètres enregistre une baisse. Selon les données publiées par l’Association du transport aérien international (IATA), la chute atteint 6,6%, ce qui traduit une petite amélioration par rapport au mois de mars (-7,6%) et surtout par rapport à janvier et février, quand les volumes subissaient un déclin à deux chiffres. En trafic cumulé, l’écart entre 2023 et 2022 est ainsi passé de -16,8% en janvier à -10,1% en avril. Par rapport à la période pré-pandémique, aussi, la situation s’améliore légèrement, avec une contraction de - 5,3 % en avril 2023 par rapport à avril 2019, contre -8,1% en mars. En outre, la demande corrigée des variations saisonnières a légèrement augmenté de 0,5% en avril par rapport au niveau de mars, précise l'IATA.

Il serait toutefois prématuré d’y voir une perspective de proche retour à la croissance, alors que la demande décline maintenant depuis 14 mois consécutifs. "L'environnement de la demande est difficile à lire. L'atténuation de l'inflation est sans aucun doute un élément positif. Mais le degré et la rapidité avec lesquels cela pourrait conduire à des politiques monétaires plus souples susceptibles de stimuler la demande ne sont pas clairs", estime Willie Walsh, directeur général de l'IATA.

Comme les mois précédents, le trafic international, qui représente 85% des volumes totaux, est un peu plus affecté par la baisse de la demande. Le repli s’élève à -7% en avril. Seules compagnies aériennes africaines ont enregistré une croissance en glissement annuel en avril. "Cette tendance a été soutenue par la spectaculaire augmentation annuelle de 20 % de la demande sur l’axe Afrique-Asie. La performance remarquable de cette route reflète le renforcement des relations commerciales entre l'Afrique et l'Asie, en particulier les liens commerciaux entre la Chine et les pays africains", indique l’IATA.

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*FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - @ Upply

Des capacités dopées par l’activité passagers

Si l’évolution de la demande montre quelques signes d’amélioration, un paramètre vient compliquer la situation économique de l’activité cargo : la croissance vigoureuse de l’offre. Les compagnies mixtes redonnent la priorité au transport de passagers, en plein essor. L’activité cargo retrouve son rôle d’appoint, certes utile car elle contribue à la rentabilité d’un vol, mais sans prise réelle sur une partie de l’offre. En avril 2023, la capacité mesurée en tonnes-kilomètres offertes a globalement augmenté de 13,4% par rapport à avril 2022, mais avec des trajectoires radicalement différentes selon le type d’appareil concerné. L’offre provenant des vols de passagers a bondi de 47,9%, tandis que celle provenant des avions-cargos s’est contractée de 2,3%. Quant aux opérations "Preighter", elles ont tout bonnement cessé en mars, après 2,5 années d'activité continue, signale l’IATA. Ce système consistait à utiliser les avions passagers comme des avions cargo pour transporter du fret, y compris en cabine. Certaines compagnies aériennes l’avaient mis en place lors du déclenchement de l’épidémie de Covid-19 : cela permettait, alors que l’activité passagers était alors au point mort, de répondre à la forte la demande d’acheminement par voie aérienne de produits pharmaceutiques et d’équipements de protection personnelle.  

Pour la première fois depuis trois ans, les capacités de fret déployées en avril dépassent ainsi le niveau pré-pandémique en affichant une croissance de 3,2%. Dans le même temps, les volumes de fret aérien restent en repli de 5,3% par rapport à avril 2019.

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*FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - @ Upply

Un lourd impact sur les taux de fret

La conjonction d’une forte croissance des capacités et d’une atonie de la demande fait plonger le coefficient de remplissage, qui s’établit à 42,8% en avril et perd 9,1 points en glissement annuel. Cette modification de l’équilibre offre/demande rejaillit également sur les taux de fret, qui affichent une baisse généralisée, en glissement mensuel comme en glissement annuel.

L’Asie-Pacifique est particulièrement touchée par la baisse des prix du fret aérien, en raison d’une véritable flambée des capacités. C’est le cas, notamment, de l’axe Asie/Europe, sur lequel les taux de fret plongent de 45,7% en glissement annuel. Il est vrai que la période de comparaison présentait un contexte très particulier : en avril 2022, les confinements en Chine avaient fortement pesé sur l’offre et donc engendré une pression à la hausse sur les prix.

Sur les deux autres grands marchés que sont l’Amérique du Nord et l’Europe, l’évolution de la capacité est plus maîtrisée. La baisse des taux de fret sur cet axe s’explique davantage par la morosité de la demande. "Les transporteurs nord-américains ont dû faire face à une aggravation de la contraction annuelle de leurs volumes internationaux, le déclin passant de 9,3% en mars à 12,1% en avril. De même, les compagnies aériennes européennes ont connu une baisse plus importante de leur trafic de fret international, le chiffre passant de -7,9% en mars à -8,7% en avril", souligne l’IATA. Les compagnies du Moyen-Orient ont vécu une tendance similaire bien que dans des proportions moindres, le déclin du trafic passant de -5,4% en mars à -6,8% en avril.

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Source des données : Upply 

Des prévisions revues à la baisse

Quelques signaux positifs se dessinent pour l’industrie du fret aérien. La composante "nouvelles commandes à l'exportation" de l'indice PMI des directeurs d'achat s'est améliorée en avril. Par ailleurs, le niveau de l'indice PMI de la Chine a franchi le seuil des 50, ce qui indique que la demande de produits manufacturés de la plus grande économie d'exportation du monde est en croissance. Autre bonne nouvelle soulignée par l’IATA, le commerce mondial de marchandises a progressé de 0,2% en mars, marquant la première hausse annuelle depuis novembre 2022. Enfin, les augmentations des prix à la consommation et à la production se sont atténuées. L'indice des prix à la consommation (IPC) d'avril a enregistré des hausses de + 5% aux États-Unis, de + 0,3% en Chine et de + 3,5% au Japon. Quant à l’Europe, elle culmine encore à +8,1%, mais ce résultat marque une amélioration par rapport au pic de 11,5% atteint en octobre 2022.

Malgré cela, l’IATA se montre très prudente dans ses dernières prévisions économiques, publiées début juin. L’estimation du chiffre d’affaires cargo des compagnies aériennes mondiales pour 2023 a été revue à la baisse, passant de 149,4 milliards de dollars à 142,3 milliards, soit une chute de 31,4% par rapport à 2022. L’estimation de trafic est en revanche sensiblement identique à celle établie début 2023, avec 57,8 millions de tonnes attendues, soit un repli de 4%. La baisse du chiffre d’affaires proviendra donc bien majoritairement du repli des taux de fret, plus que de la contraction des volumes. Dans ses précédentes prévisions, l’IATA tablait sur une chute de 22,6% de la recette unitaire, réévaluée début juin à 28,6%.

La situation reste néanmoins encore confortable, si on la compare à la période pré-pandémique. Certes, le fret aérien, qualifié par l’IATA de "héros de 2021", va progressivement retrouver son rôle d’appoint pour les compagnies aériennes, mais un appoint significatif. Le chiffre d’affaires cargo attendu en 2023 sera supérieur de 41,2 % à celui enregistré en 2019. Par ailleurs, la part du fret dans les revenus globaux des compagnies va retomber à 18% après un pic à 41% en 2021, mais cela reste bien au-dessus des 10-12% de la période pré-Covid. Enfin, au-delà des chiffres, les années de crise ont mis en lumière le rôle stratégique du fret aérien. Un capital non négligeable, à l’heure où la pression du verdissement gagne ce mode de transport.

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Diplômée de l'École Supérieure de Journalisme de Lille, Anne a exercé l’essentiel de sa carrière dans la presse spécialisée Commerce international & Logistique, avant de rejoindre Upply.
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