Analyse Transport & Logistique

Fret aérien : la croissance persiste mais ralentit légèrement

17 octobre 2024

Le fret aérien a augmenté de 11,4% en août 2024 en glissement annuel, mais s’est replié de 0,2% par rapport à juillet. Les taux de fret nettement supérieurs à la période pré-Covid.  

1/ L’évolution de l’offre et de la demande

  • Trafic d’août 2024

Le trafic mondial de fret aérien a augmenté de 11,4 % en glissement annuel au mois d’août 2024, enregistrant ainsi un neuvième mois consécutif de hausse. En glissement mensuel et en données corrigées des variations saisonnières, les volumes sont toutefois en repli de 0,2%, et cette fois, il s’agit de la première baisse constatée d’un mois sur l’autre depuis le mois de février, avertit l’Association du transport aérien international (IATA). Selon nos estimations, le trafic du mois d’août s’établit ainsi à environ 22,9 milliards de tkm.

Les compagnies d'Asie-Pacifique et d'Europe restent les moteurs de la croissance, contribuant respectivement à hauteur de 43% et 25% à l'augmentation globale, contre 15% pour les compagnies du Moyen-Orient et 12% pour leurs homologues d’Amérique du Nord.

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* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA 

  • Cumul annuel à fin août 2024

En cumul annuel à fin août, la croissance de la demande de fret aérien s’établit à 13,0% par rapport aux huit premiers mois de 2023 (+13,9% sur les lignes internationales). Là encore, les compagnies d’Asie/Pacifique, d’Europe et du Moyen-Orient se distinguent par une nette croissance à deux chiffres.

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* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA

  • Capacités

L’offre a augmenté de 6,2% en août 2024 en glissement annuel, et de 0,2% en glissement mensuel après correction des variations saisonnières, s’élevant ainsi à environ 52,3 milliards de tonnes-kilomètres selon nos évaluations. La croissance en glissement annuel tend à s’éroder depuis le début de l’année. Cependant, "le mois d'août est le quatrième mois consécutif au cours duquel les capacités mondiales ont dépassé le seuil des 50 milliards, un niveau jamais atteint dans l'histoire du fret aérien", souligne l’IATA.

Sur les routes internationales, la progression des capacités s’élève à 8,2% en glissement annuel au mois d’août 2024. Cette croissance est toujours tirée par l’offre disponible en soute des avions passagers, qui a connu une hausse + 10,9%, tandis que les capacités offertes à bord des avions cargos n’ont augmenté que de 5% en glissement annuel en août.

Compte tenu de la croissance du trafic supérieure à celle de la demande, le coefficient de remplissage s’améliore. Il gagne 2 points de pourcentage en glissement annuel au mois d’août, pour atteindre 44%, et 1,9 point que les seules liaisons internationales, à 49,2%. En cumul annuel à fin août, le coefficient de remplissage est stable à l’international (+0,2 point à 50,6%) et en hausse de 1,7 point à 45,1% si l’on prend en compte l’ensemble du trafic.

2/ L’évolution des prix

Selon l’IATA, la recette unitaire moyenne a connu en août la plus forte progression enregistrée depuis deux ans. Tous axes confondus et surcharges incluses, elle a augmenté de 2,0% en glissement mensuel et de 11,7% en glissement annuel, restant ainsi supérieure de 46% au niveau pré-Covid de 2019. Même si le fort taux de croissance annuel est en partie lié à une base de référence qui chutait rapidement en 2023, la performance reste remarquable.

L’évolution des prix du fret aérien varie cependant considérablement selon les routes. Le mois d’août confirme la flambée des prix constatée depuis plusieurs mois sur l’axe Asie-Europe, sous le double effet de la crise en mer Rouge qui handicape le transport maritime, et du dynamisme du e-commerce sur ce marché. Sur les autres routes, l’évolution est beaucoup plus modérée, avec même une baisse des tarifs sur certains axes.

En glissement mensuel, on constate une augmentation significative des taux de fret sur l’axe Europe-Amérique du Nord côte Est. On peut y voir l’impact de la menace de grève qui concernait les ports de la côte Est des États-Unis et du golfe du Mexique. Certains chargeurs ont anticipé ce mouvement social et se sont tournés vers le transport aérien, ce qui a eu pour effet de renchérir les prix. Le mouvement de grève, qui était prévu à compter du 1er octobre si aucun accord n’était trouvé entre le syndicat des dockers et les entreprises de manutention portuaire, a bien eu lieu. Mais il n’a finalement duré que 3 jours, et les taux pourraient donc se calmer sur cet axe, une fois que les perturbations opérationnelles se seront résorbées. Une pression subsiste, cependant : l’accord qui a mis fin à la grève, signé par les dockers et les entreprises de manutention portuaire le 3 octobre, n’est que provisoire. Les parties prenantes ont jusqu’au 15 janvier 2025 pour conclure le nouvel accord-cadre 2024-2030. Si elles ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente rapidement, les taux de fret pourraient de nouveau être sous pression sur cet axe.

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Source : Upply Freight Index

3/ L’évolution par zone

L’observation de la croissance du trafic international par axe montre que la route Moyen-Orient-Europe enregistre toujours la plus forte progression en août (+28,9%). Le mouvement a démarré septembre 2023, mais cette hausse dans la durée peut s’expliquer aussi par les perturbations du transport maritime en mer Rouge depuis l’automne 2023, qui ont pu favoriser des options d’acheminement sea-air, avec un tronçon Asie-Moyen-Orient par voie maritime puis un tronçon Moyen-Orient-Europe par avion. La route Europe-Asie conserve également son dynamisme avec une hausse de 18,4% et l’axe Moyen-Orient/Asie progresse de 13,5%. La route Asie-Amérique du Nord, moins touchée par l’impact des perturbations du transport maritime en mer Rouge, connaît pour sa part une croissance de 9,3%. L’intra-Asie, enfin se porte très bien avec une hausse de 16,1% en glissement annuel au mois d’août, tout comme l’axe Afrique-Asie qui montre un rebond (+21,1% en glissement annuel et +5,3% en glissement mensuel). L’axe Amérique du Nord-Europe témoigne d’une hausse bien plus modeste, de 6,1% en glissement annuel.

La progression des compagnies reflète ces dynamiques. Les compagnies d’Asie-Pacifique enregistrent une croissance des volumes de 14,8%, contre 13,6% chacune pour les compagnies du Moyen-Orient et d’Europe, et 7,1% seulement pour les compagnies nord-américaines. Les compagnies africaines se contentent également d’une hausse de 7,5%, ce qui montre que la reprise constatée sur l’axe Asie-Afrique a surtout profité aux compagnies asiatiques.

4/ Les faits marquants 

  • Des signaux économiques défavorables

En août, l'indice des directeurs d'achat (PMI) pour la production manufacturière mondiale et le PMI pour les nouvelles commandes à l'exportation étaient tous deux inférieurs à la barre des 50, à 49,9 et 48,4 respectivement, ce qui indique une contraction. La production industrielle est restée stable en août d'un mois sur l'autre.

  • Des incertitudes sur le commerce mondial

Au mois d’août, et le commerce transfrontalier mondial a légèrement diminué (-0,3 %) en glissement mensuel. Globalement, les économistes de l’Organisation mondiale du commerce sont pourtant optimistes. Selon les prévisions actualisées le 10 octobre, le commerce mondial des marchandises devrait afficher une augmentation de 2,7% en 2024, en légère hausse par rapport à l’estimation précédente de 2,6%. "Toutefois, la montée des tensions géopolitiques et l’augmentation de l’incertitude concernant les politiques économiques continuent de représenter des risques importants de détérioration de ces prévisions", prévient l’OMC. Le marché connaît toutefois une nette amélioration puisqu’il avait enregistré un repli de 1,1% en 2023.

"Les volumes d'exportation de l'Asie augmenteront plus rapidement que ceux de toute autre région cette année, affichant une hausse qui atteint 7,4% en 2024. La région a enregistré une forte reprise des exportations au premier semestre de l'année, tirée par des économies manufacturières clés telles que la Chine, Singapour et la République de Corée. Les importations asiatiques montrent des tendances divergentes : alors que la croissance de la Chine reste modeste, d'autres économies comme Singapour, la Malaisie, l'Inde et le Vietnam sont en plein essor", détaille l’OMC. À l’inverse, l'Europe devrait enregistrer une baisse de 1,4% des volumes d'exportation en 2024 et une diminution de 2,3% des importations. L’Amérique du Nord, enfin, devrait voir les exportations augmenter de 2,1% et les importations de 3,3%, selon les prévisions révisées de l’OMC.

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Diplômée de l'École Supérieure de Journalisme de Lille, Anne a exercé l’essentiel de sa carrière dans la presse spécialisée Commerce international & Logistique, avant de rejoindre Upply.
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