La croissance du fret tend à ralentir, ce qui laissait entrevoir une haute saison modérée. Mais le spectre du durcissement de la guerre commerciale pourrait réactiver les commandes et maintenir une certaine pression sur les taux de fret.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de septembre 2024
Le trafic mondial de fret aérien a augmenté de 9,4 % en glissement annuel au mois de septembre 2024, enregistrant ainsi un quatorzième mois consécutif de hausse. Cependant, la croissance ralentit. Pour la première fois depuis 10 mois, elle passe sous la barre des 10%. D’autre part, en glissement mensuel et en données corrigées des variations saisonnières, les volumes sont en repli de 0,4%, après avoir déjà enregistré une baisse de 0,2% le mois précédent, indique l’Association du transport aérien international (IATA). Selon nos estimations, le trafic du mois de septembre s’élève ainsi à environ 22,8 milliards de tkm.
Sur les liaisons internationales, la croissance se maintient au-delà du seuil des 10%, toujours tirée, selon l’IATA, par l’augmentation de la demande dans le secteur du e-commerce.
La progression des volumes profite toujours essentiellement aux compagnies d'Asie-Pacifique et d'Europe, contribuant respectivement à hauteur de 42% et 26% à l'augmentation globale, contre 15% pour les compagnies du Moyen-Orient et 11% pour les compagnies d’Amérique du Nord.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Cumul annuel à fin septembre 2024
En cumul annuel à fin septembre, la croissance de la demande de fret aérien s’établit à 12,6% par rapport aux neuf premiers mois de 2023 (+13,5% sur les lignes internationales).
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Capacités
L’offre a augmenté de 6,4% en septembre 2024 en glissement annuel, et de 0,2% en glissement mensuel après correction des variations saisonnières. Nous l’estimons ainsi à environ 52,4 milliards de tonnes-kilomètres.
Si l’on considère uniquement les routes internationales, l’augmentation des capacités s’élève à 8,1% en glissement annuel au mois de septembre 2024, toujours stimulée par la progression des capacités disponibles à bord des avions passagers (+10,3% en glissement annuel en septembre, contre une hausse qui se limite à +5,4% pour les capacités offertes à bord des avions cargos.
Le coefficient de remplissage s’établit globalement à 45,6% en septembre, et à 50,8 % à l’international, soit une progression respective de 1,3 et 1,1 point de pourcentage en glissement annuel. En cumul annuel à fin septembre, il progresse très légèrement sur les liaisons internationales (+0,2% à 50,6%) et augmente globalement de 1,7 point à 45,2%.
2/ L’évolution des prix
La recette unitaire moyenne, surcharges incluses, a connu une hausse très significative de 3,6% en glissement mensuel et de 11,7% en glissement annuel au mois de septembre, confirmant la tendance du mois précédent. Cette augmentation est d’autant plus remarquable qu’elle intervient dans un contexte de baisse du prix du carburant, les prix du kérosène ayant diminué en moyenne de 4,4% par rapport au mois précédent, et de de 34,4% par rapport au mois de septembre 2023. "Le taux de fret moyen dans le fret aérien est ainsi supérieur de 50 % au niveau de 2019", souligne l’IATA.
La progression en glissement annuel se révèle particulièrement dynamique sur l’axe Asie-Europe qui bénéficie d’un double effet : la forte progression de la demande dans le secteur du e-commerce et les perturbations persistantes du transport maritime en mer Rouge, même si celles-ci ont tendance à s’atténuer.
Source : Upply Freight Index
3/ Les perspectives
Dans les semaines qui viennent, la pression sur les taux de fret pourrait se maintenir, malgré des indicateurs économiques mitigés.
En septembre, l'indice des directeurs d'achat (PMI) pour la production manufacturière mondiale et le PMI pour les nouvelles commandes à l'exportation sont restés sous la barre des 50, à 49,4 et 47,5, ce qui indique une contraction. Ils montrent aussi une dégradation par rapport au mois précédent. En revanche, du côté des bonnes nouvelles, le commerce mondial de marchandises a progressé de 2,8 %, ce qui constitue un sixième mois consécutif de croissance.
Dans ce contexte moyennement favorable, certains opérateurs ont révisé à la baisse les perspectives pour le dernier trimestre. Kuehne + Nagel, n°1 mondial de la commission de transport aérien, a indiqué lors de la présentation des résultats financiers du troisième trimestre qu’il prévoyait une haute saison plus calme que ce qui était prévu à la mi-année. Effectivement, certains facteurs de tension se sont atténués. Les chaînes logistiques logistique ont maintenant eu le temps de s’adapter aux perturbations du transport maritime en mer Rouge, réduisant les besoins d’acheminement urgent de marchandises par voie aérienne. D’autre part, vers les États-Unis, les flux ont été dopés par la perspective de la grève des dockers des ports de la côte Est et du golfe du Mexique, qui a conduit les chargeurs à anticiper dans une certaine mesure les approvisionnements pour la période de Noël.
Pourtant, de nouvelles incertitudes pourraient rallumer la mèche des commandes anticipées en cette fin d’année 2024 :
- La menace d’une nouvelle grève dans les ports aux États-Unis
Le conflit entre les travailleurs portuaires et les entreprises de manutention dans les ports de la côte Est des États-Unis et di golfe du Mexique n’a duré que 3 jours en octobre, avant la signature d’un accord prorogeant jusqu’au 15 janvier le contrat régissant actuellement les relations sociales entre les parties. Des négociations démarrent en novembre pour tenter de trouver un accord définitif, mais si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre, le mouvement de grève pourrait reprendre. Ce risque peut conduire certaines entreprises à anticiper les envois.
- La perspective d’un durcissement de la guerre commerciale
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, qui devrait être confirmée par le vote des grands électeurs le 17 décembre, laisse entrevoir un durcissement et une extension de la guerre commerciale, avec notamment l’instauration de droits de douane additionnels sur des marchandises en provenance de Chine mais aussi d’Europe. Cette perspective pourrait là encore inciter les entreprises à anticiper les commandes. L’investiture du président des États-Unis se tient traditionnellement le 20 janvier.