DOSSIER ITALIE 5/5. Le fret aérien est important pour l’Italie, car il répond aux besoins de certaines productions industrielles essentielles pour le pays. Néanmoins, le marché reste relativement stable.
En Europe, le fret aérien représente une part très faible de l’acheminement des marchandises en volumes. L’Italie ne fait pas exception à la règle, avec une part de 0,1% en 2022, selon les dernières données d’Eurostat disponibles, pour une moyenne à 0,2% dans l’Union européenne. Cette part est très stable dans le temps puisqu’elle était identique en 2012. En valeur, la part de marché du fret aérien est estimée à 9,4%, dont 12,2% pour les exportations et 6,7% pour les importations, selon une enquête de la Banque d’Italie sur le transport international de marchandises.
Source : Eurostat.
Depuis une dizaine d’années, le trafic cumulé des aéroports italiens se stabilise légèrement au-dessus de la barre du million de tonnes avec des variations tantôt à la baisse ou à la hausse, mais dans des proportions assez modérées. Seule l’année 2020 a dérogé à cette tendance historique, avec une chute à 842 000 lors de la pandémie de Covid-19.
En 2023, les aéroports italiens ont traité 1 086 810 tonnes de fret aérien, selon les données d’Assaeroporti, l’association italienne des exploitants aéroportuaires. Ce résultat marque un repli de 1,6% par rapport à l’année précédente, et de 1,5% par rapport à 2019. Le trafic de fret représente 94% des tonnages, contre 4,5% pour le trafic postal et 1,5% pour le fret camionné.
Un trafic très concentré
Source : Assaeroporti.
L’aéroport de Milan, dans le nord du pays, domine très largement le marché italien du fret aérien. Malgré un repli du trafic de 6,8% en 2023 par rapport à l’année précédente, il occupe la première marche du podium avec 672 000 tonnes, ce qui représente 65% des flux aériens traités en Italie. Selon les premiers chiffres disponibles, les volumes de fret sont en croissance au premier trimestre 2024, avec toutefois une érosion qui semble apparaître sur le segment du transport express.
L’aéroport de Fiumicino à Rome occupe la deuxième place des aéroports cargo en Italie, avec près de 190 000 tonnes de marchandises traitées en 2023, soit 35% de plus qu’en 2022. Ce site représente 17,4% du volume total de fret aérien. Depuis quelques années, l’aéroport a entrepris de se positionner sur un secteur en pleine expansion à la fois pour le secteur du fret aérien et pour l’économie italienne : les produits pharmaceutiques. "L'aéroport de Fiumicino a tout le potentiel nécessaire pour devenir le hub de référence en matière de logistique des médicaments pour tous les pays du sud de l'Europe", estimait en 2022 Fabrizio Iacobacci, président de PharmacomItalia, une association d'acteurs spécialisés dans la logistique des produits pharmaceutiques, à l'occasion d’un "Working Tour" organisé sur ce thème à Fiumicino. En 2023, les exportations italiennes de produits pharmaceutiques vers la Chine ont connu une croissance spectaculaire au premier trimestre, car la fin de la politique "Zéro Covid" a conduit à une augmentation brutale des infections. L'aéroport de Rome a manifestement profité de ce bond conjoncturel des flux.
Milan et Rome concentrent 80% du trafic. Loin derrière, quatre autres aéroports enregistrent un trafic supérieur à 20 000 tonnes, selon les données d’Assaeroporti. Bologne en 3ème position suivi de Venise avec une part de marché plutôt stable malgré une baisse de 0,5% par rapport à 2022 avec quelques 47.000 tonnes de marchandises. L’aéroport de Pise (centre-nord), enregistre la baisse la plus importante toujours par rapport à l’année précédente (-13,3%) tout comme celui de Brescia dans le nord du pays qui perd 9,5%.
Milan-Malpensa, plaque tournante du commerce extérieur
Malpensa Cargo City, la zone cargo de l’aéroport de Milan-Malpensa, est un hub clé pour le commerce extérieur italien système productif du nord du pays. Elle traite 46% des volumes d’importation et 54% des volumes d’exportation de l’Italie par voie aérienne. En valeur, les importations et les exportations qui ont transité par Malpensa totalisaient 57,7 milliards en 2023, en croissance de 2,5 milliards par rapport à l'année précédente. Cela représente environ 4,6 % du commerce extérieur italien, qui s'élevait en 2023 à 1 241 milliards d'euros, indique SEA, la société gestionnaire de l’aéroport.
Malpensa occupe notamment une place importante dans les secteurs de l'ameublement, de la mode et de la mécanique, en détenant une part respective de 16,8 %, 15,3 % et 7,5 % dans le total des exportations italiennes sur ces segments. L’an dernier, les marchandises qui ont transité par cet aéroport ont représenté 50% de la totalité des exportations italiennes destinés aux marchés de l’Amérique du Nord et de l’Extrême-Orient dans le secteur de la mode et de l’habillement, et plus du tiers des exportations du secteur du meuble et de l’ameublement vers ces mêmes zones. Malpensa voit enfin passer un quart des exportations du secteur de la mécanique vers les pays de l’Asie de l’Est.
Un pavillon italien en perte de vitesse
Selon l’étude de la Banque d’Italie, la part de marché des transporteurs italiens de fret aérien est tombée à 13,8% en 2022, contre 15,6% en 2019, 19,2% en 2012 et 34,7% en 2022. Cette dégringolade est liée aux déboires de la compagnie nationale Alitalia, qui a mis la clé sous la porte en octobre 2021, croulant sous les dettes. À l’époque, une entité plus petite lui a succédé, ITA Airways, offrant des capacités cargo bien plus modeste qu’Alitalia.
En 2022, le gouvernement italien a décidé la privatisation d’ITA Airways. La compagnie maritime italo-suisse MSC a présenté une offre conjointe avec le groupe Lufthansa en janvier 2023, mais elle a finalement renoncé, et c’est le groupe Lufthansa seul qui a emporté la mise.
MSC n’a pas pour autant renoncé à se positionner sur le fret aérien. Comme ses grands concurrents du maritime, Maersk et CMA CGM, elle a lancé sa propre compagnie aérienne, MSC Air Cargo, en 2022. En août 2023, MSC a ensuite annoncé l’acquisition d’une participation majoritaire dans AlisCargo, une compagnie aérienne tout cargo fondée en 2019 et basée à Milan. "Cette transaction constitue une nouvelle étape dans le développement des activités de MSC Air Cargo et crée une porte d’entrée européenne et un point de transit pour les opérations de fret aérien de MSC", soulignait alors le groupe dans un communiqué.
Depuis, MSC Air Cargo a notamment lancé des vols directs entre Milan-Malpensa et Tokyo. "MSC Air Cargo en est aux débuts de son développement et nous prévoyons des investissements importants pour construire des solutions de transport aérien conçues pour les produits à haute valeur ajoutée qui ont besoin d’efficacité et de rapidité, notamment les produits pharmaceutiques, les denrées périssables ou les produits automobiles. Nous voulons offrir au marché italien encore plus d'options et de possibilités de faire des affaires avec ses partenaires commerciaux en soutenant les exportations nationales", a déclaré Jannie Davel, vice-président de MSC Air Cargo, lors de l’inauguration de la ligne Milan-Tokyo. Grâce aux bénéfices enregistrés pendant le Covid dans l’activité de transport maritime de conteneurs, MSC dispose aujourd’hui de moyens colossaux pour investir. Le pavillon italien pourrait donc reprendre des couleurs dans les années qui viennent.
Crédit photo : aéroport de Milan-Malpensa