Le volume de fret ferroviaire Chine-UE via le principal corridor eurasien a diminué de 48% au premier semestre 2023, revenant au niveau prépandémique de 2019.
Le marché du fret ferroviaire Chine-UE a suivi un parcours de montagnes russes au cours des trois dernières années. Après la croissance exponentielle de 2020 et 2021 est intervenue la guerre Russie-Ukraine. Sous le triple choc de la faiblesse de la demande, de la longévité de cette guerre et de l'effondrement du taux de fret maritime, le volume de fret ferroviaire Chine-UE via le principal corridor eurasien a diminué de 48 % au premier semestre 2023, revenant au niveau prépandémique de 2019 (graphique 1).
Graphique 1 - Source des données: EARI Index 1520.
Les incertitudes géopolitiques ont freiné le marché du fret ferroviaire entre la Chine et l'UE, mais ont en revanche stimulé la demande de fret ferroviaire entre la Chine et la Russie. Selon l'UTCL, le principal opérateur du corridor eurasien, les volumes entre la Chine et la Russie/Biélorussie ont bondi de 180 % au cours du premier semestre 2023. En conséquence, malgré la chute des activités Chine-UE, le China Railway Express (CRE) - nom officiel du service ferroviaire chinois entre la Chine et l'Europe - a enregistré une croissance de 30 %, atteignant 936 000 EVP. Les volumes ferroviaires Chine-Russie occupent désormais une place prépondérante dans l’activité du CRE.
Des changements dans la nature des produits transportés
Sur le marché du fret ferroviaire Chine-UE, on constate à la fois des constantes et des transformations. Indépendamment de l'érosion continue de la demande, les volumes restent concentrés sur un ou deux itinéraires, la Pologne pour le trafic dans le sens Est-Ouest et l'Allemagne pour le trafic Ouest-Est.
En revanche, on relève des modifications dans la nature des produits transportés. Certains produits dont les expéditions avaient bondi en 2022 ne se sont pas au rendez-vous cette année, comme les produits chimiques (noirs de carbone et kits de test) dans le sens Est-Ouest et le lait en poudre dans le sens Ouest-Est. Cependant, cette année encore, certains produits ont fait exception par rapport à la tendance baissière.
C’est le cas notamment du secteur automobile dans le sens Ouest-Est, qui a contribué à plus d'un cinquième des volumes totaux au cours du premier semestre 2023 dans cette direction. Cela peut être attribué à la reprise partielle de l'expédition de véhicules par rail de l'Allemagne vers la Chine, qui avait été entièrement interrompue après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Toutefois, la reprise n'a permis d’atteindre qu'un tiers des volumes de 2021, dans un contexte d’incertitude géopolitique persistante et de contraction du marché des véhicules importés en Chine.
La reprise économique actuelle de la Chine, axée sur la consommation, a également créé une nouvelle demande, toutefois modeste, pour l'expédition de produits de consommation par rail vers la Chine. Cette tendance est conforme à l’évolution globale des échanges avec l'UE suite de la réouverture de la Chine. Parmi les biens de consommation acheminés par rail, la reprise des expéditions de produits cosmétiques s’est taillé la part du lion, avec une croissance qui a triplé au cours des six premiers mois.
Le transfert du fret aérien vers le fret ferroviaire a contribué à cette augmentation. Certes, les taux de fret aérien de l'Europe vers l'Asie ont chuté au cours des derniers mois et se situent bien en dessous du niveau de 2022, comme le montrent les données d'Upply (graphique 2). Mais ils restent encore plus élevés qu'avant la pandémie, ce qui favorise l’attractivité du fret ferroviaire.
Graphique 2 – Source des données : Upply.
Dans le sens Est-Ouest, la politique d'assouplissement de la réglementation, décidée par la Chine pour faciliter l'expédition de véhicules à énergie nouvelle par rail depuis septembre 2022, ne s'est pas encore traduite par une croissance plus dynamique des volumes, bien que la Chine ait dépassé le Japon et soit devenue le plus grand exportateur mondial de voitures au deuxième trimestre 2023. Cependant, l’augmentation des exportations chinoises de véhicules et la capacité limitée des navires Ro/Ro pourraient créer une demande accrue pour l'expédition de véhicules électriques par voie ferroviaire à l'avenir. En attendant, alors que le transport de véhicules vers l'UE reste marginal, les exportations chinoises de véhicules diesel par rail vers la Russie ont connu un véritable boom au cours des derniers mois.
Des perspectives modérées
Parmi les trois chocs susmentionnés, il est probable que les conditions géopolitiques et le marché du fret maritime ne connaîtront pas d'évolution majeure par rapport à la situation actuelle au cours des prochains mois. C'est donc l'état de l'économie mondiale qui devrait jouer le rôle le plus important parmi les trois dans le développement du marché du fret ferroviaire entre la Chine et l'UE.
- La Banque centrale européenne prévoit une augmentation des importations de 1,4 % dans la zone euro en 2023. Les activités de transport dans le sens Est-Ouest resteront donc modérées. En particulier, la chute du marché des biens de consommation électroniques, qui ont longtemps été les principaux produits acheminés par le service de fret ferroviaire Chine-UE, continuera probablement à ralentir les flux.
- L'ampleur de la reprise de la consommation chinoise déterminera s'il existe un potentiel durable pour les flux de produits de consommation dans le sens Ouest-Est. Mais la stagnation du marché intérieur chinois depuis le deuxième trimestre 2023, ajoutée à une stratégie plus prudente en matière de stocks dans le secteur chinois de la vente au détail, assombrit cette perspective.