BAROMÈTRE. La demande mondiale de fret aérien a chuté de 8,1% au premier semestre 2023 par rapport à la même période de 2022, et de 3,4% seulement pour le seul mois de juin. Elle se situe sous les niveaux pré-pandémiques, malgré une lente amélioration ces derniers mois.
L’érosion du trafic mondial de fret aérien se poursuit depuis 16 mois, et a culminé en janvier à -16,8%. Elle s’atténue depuis, mais pas suffisamment pour mettre un terme au mouvement de baisse. Le trafic s’est élevé à 20,2 milliards de tonnes-kilomètres au mois de juin 2023, ce qui représente une diminution de 3,4% en glissement annuel et de 2,4% par rapport au niveau pré-pandémique de juin 2019, indiquent les données de l'Association du transport aérien international (IATA).
Parallèlement, la croissance des capacités se poursuit. L’offre, mesurée en tonnes-kilomètres, a augmenté de 9,7% en juin 2023 par rapport à juin 2022 (+3,7% par rapport à juin 2019), après avoir connu une progression à deux chiffres entre mars et mai. "Cela reflète les ajustements stratégiques de capacité que les compagnies aériennes effectuent dans un contexte d’affaiblissement de la demande", souligne l’IATA.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - © Upply
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - © Upply
Les opérations internationales en repli de 3,7%
Les opérations internationales, en baisse de 3,7%, enregistrent un repli légèrement supérieur à celui du trafic global. Certaines routes ont pourtant connu une évolution positive. C’est le cas des axes Moyen-Orient / Asie et Moyen-Orient / Europe, qui ont respectivement progressé de 1,8% et de 2,1% en glissement annuel. En outre, la contraction de la demande internationale s'est atténuée sur les marchés Europe-Amérique du Nord et Asie-Amérique du Nord. Sur le premier axe, la contraction atteint 2,7% en juin, contre des baisses à deux chiffres au cours des trois mois précédents. Et sur le second, le repli s’élève à -5,4% en juin, ce qui représente une nette amélioration par rapport aux -24,2% de janvier.
"L'évolution positive de la demande de fret aérien sur la voie commerciale Europe-Amérique du Nord a eu un impact sur les compagnies aériennes d'Amérique du Nord, qui ont enregistré une baisse de 3,3% en juin en glissement annuel, bien inférieure à la contraction de 8,1% enregistrée en mai. Les compagnies aériennes européennes ont également bénéficié de cette tendance, avec une diminution de 3,0% en juin, contre 7,0% le mois précédent", détaille l’IATA. La situation est plus difficile pour les compagnies aériennes d'Asie-Pacifique, confrontées en particulier à une forte baisse du marché intra-asiatique. Les opérations internationales des compagnies aériennes africaines ont également continué à chuter, en grande partie en raison de la détérioration de la situation sur la route Afrique-Asie.
Poursuite de la baisse des taux de fret
La combinaison de la chute des volumes et de la croissance des capacités, qui marque le secteur depuis plusieurs mois, continue à produire ses effets sur les taux de fret, mais là aussi, l’érosion ralentit. En glissement annuel, le plongeon reste toutefois spectaculaire, en particulier sur l’axe Asie/Europe.
Source : Upply
Un premier semestre difficile
Sur l’ensemble du premier semestre 2023, la demande mondiale de fret aérien a reculé de 8,1% par rapport à la même période de 2022 (-8,7% pour les opérations internationales), et de 5,9% par rapport au premier semestre 2019. Le trafic cumulé s’établit à 115,8 milliards de tonnes-kilomètres. Parallèlement, l’offre a augmenté de 9,9%, atteignant 264,7 milliards de tonnes-kilomètres. Ce niveau de capacité annuel est également supérieur de 0,9% aux niveaux d'avant la pandémie de 2019.
Le coefficient de remplissage global perd 8,5 points de pourcentage au premier semestre au glissement annuel, s’élevant ainsi à 43,8%. La chute la plus drastique revient aux compagnies d’Asie-Pacifique, dont le coefficient de remplissage recule de 16,2 points à 45,1%, alors qu’elles caracolaient traditionnellement au-delà des 60%.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - © Upply
Des perspectives maussades
Si l’érosion ralentit, l’industrie mondiale du fret aérien ne devrait pas pour autant renouer rapidement avec la croissance. Les indicateurs avancés de la demande de fret aérien continuent à mettre en évidence des perspectives de contraction, en raison d’une demande très faible :
- Tout d’abord, en juin, l'indice PMI des directeurs d'achat de la production manufacturière (49,2) et l'indice PMI des nouvelles commandes à l'exportation (47,1) étaient tous deux inférieurs au seuil de 50, ce qui signifie un déclin de la production manufacturière et des exportations au niveau mondial. "En juin, la Chine a été la seule grande économie à maintenir l'indice PMI de la production manufacturière au-dessus de la barre des 50 (à 51,0). En revanche, les États-Unis et le Japon ont vu leur PMI de la production manufacturière passer d'une expansion en mai à une détérioration en juin, à 46,9 et 48,1 respectivement. Et en Europe, la contraction de la production manufacturière s'est aggravée en juin, l'indice PMI de la région tombant à 45,4, contre 47,0 en mai", souligne l’IATA. Ces baisses de la production manufacturière et des commandes à l'exportation expliquent en grande partie la faiblesse actuelle de la demande de fret aérien.
- Autre indicateur témoignant de la faible demande : le ratio stocks/ventes. Des stocks bas et une demande dynamique stimulent la demande de fret aérien, pour éviter des pénuries. Mais depuis mars 2022, on assiste précisément au phénomène inverse.
- Enfin, le commerce mondial a diminué de 2,4% en glissement annuel en mai, "reflétant le refroidissement de la demande et les conditions macroéconomiques difficiles", souligne l’IATA. De plus, selon l’organisation internationale, le fret aérien souffre davantage que le transport maritime de la baisse des volumes, l’effondrement des taux de fret maritime diminuant mécaniquement la compétitivité du fret aérien.
Le ralentissement actuel de la demande devrait se prolonger dans les prochains mois, même si la situation s’améliore dans certaines zones, en particulier aux États-Unis, sur le front de l’inflation. Pour l’instant, les taux de fret aérien dépassent encore les niveaux pré-pandémiques. Mais les compagnies vont devoir gérer l’atterrissage en maîtrisant les capacités.