BAROMÈTRE. Les compagnies maritimes tentent de stopper l’érosion des taux de fret dans le transport maritime conteneurisé, mais sans grand succès, en particulier sur l’Asie-Europe. Parallèlement, la recomposition des alliances se prépare.
À la fin de l’été 2023, les "Big Five", ces cabinets de conseil mondiaux dont les prévisions sont scrutées de très par les grandes entreprises en période de préparation budgétaire, annonçaient des heures sombres pour les compagnies maritimes. La surcapacité semblait inéluctable, avec à la clé des prix en baisse et une rentabilité menacée. À l’époque, les taux de fret Asie-Europe du nord via le canal de Suez sombraient sous les 4 chiffres par 40’ sur le marché spot, sous les yeux des observateurs inquiets.
Ces prévisions ont été totalement chamboulées par la résurgence du conflit au Moyen-Orient après les évènements du 7 octobre 2023 et leurs conséquences. Les attaques des Houthis en mer Rouge ont conduit le marché à opter par un itinéraire via le cap de Bonne-Espérance. Cette désorganisation a engendré une augmentation des prix, et donc un niveau de rentabilité tout aussi imprévu qu’inespéré pour les compagnies maritimes.
Les compagnies maritimes entrent en zone de turbulence
Mais le sentiment qui domine en ce mois d’octobre 2024, c’est que le pronostic des Big Five pourrait bien se concrétiser, avec un an de décalage. Le mois d’octobre qui vient de s'écouler ne restera pas dans les annales, ni en volumes, ni en recettes. Sur l’axe Asie-Europe, notamment, les taux FAK des compagnies ont dangereusement frôlé les coûts d’exploitation.
Les fondamentaux qui avaient été mis en avant l’an dernier à la même époque ressurgissent, peut-être même avec encore plus de force.
- Le premier facteur déterminant est évidemment la demande. Or non seulement celle-ci reste conjoncturellement molle, mais il semble que l’on assiste parallèlement à des changements structurels au profit d’autres régions. Il se peut que l’on ait durablement atteint un palier en termes de volumes conteneurisés entre l’Asie et l’Europe. Cette question fait sens aujourd’hui, et pas uniquement sur la scène politique de la "décroissance".
- Du côté de l’offre, le passage par le cap de Bonne-Espérance a permis dans un premier temps d’absorber des capacités supplémentaires, rééquilibrant l’offre et la demande. Mais l’argument n’est plus valable aujourd’hui. Alors que le passage par le cap s’est normalisé, la capacité est de nouveau excédentaire par rapport à la demande. La recomposition des Alliances maritimes, début 2025, va stimuler une forme de concurrence entre les compagnies, chacune ayant à cœur de faire performer "son" modèle.
Pour les mois qui viennent, le retour ou pas par le canal de Suez est vraiment la question de fond qui perturbe profondément le marché. En effet, cette incertitude majeure pose un problème aussi bien aux chargeurs qu’aux compagnies maritimes pour se positionner à l’aube de cette année 2025 (...)