Le ralentissement de l’activité économique amorcé en 2022 s’est confirmé en 2023. L’inversion du rapport de force au profit des chargeurs a eu un effet immédiat sur les prix du transport de marchandises et sur les résultats financiers de opérateurs de transport.
En 2023, la croissance du PIB mondial a poursuivi son ralentissement. Selon la banque mondiale, elle s’est élevée à +2,6%, contre +3% en 2022 et +6,5% en 2021. Le phénomène touche particulièrement les économies avancées, dont la croissance du PIB est passée de 5,5% en 2021 à 2,6% en 2022 et 1,5% en 2023. Ce mouvement est lié à l’évolution dans la zone Euro, où la progression s’est limitée à 0,5% en 2023. À l’inverse, les États-Unis ont constaté une amélioration (+2,5% en 2023 contre +1,9% en 2022), tout comme le Japon (+1,9% conter +1%). Au sein des économies émergentes et des marchés en développement, on constate un rebond de la Chine avec une progression de 5,2%, après une hausse de +3% en 2022. Il y a bien eu un effet positif de l’abandon de la politique Zéro Covid, mais pas forcément dans les proportions attendues.
L’inflation a diminué, mais elle est restée à des niveaux élevés puisqu’elle s’est établie à +6,8% au niveau mondiale, selon les données du Fonds monétaire international. Cette situation a continué à peser sur le pouvoir d’achat des ménages et sur la capacité d’investissement des entreprises, ce qui a rejailli sur la demande.
Le commerce mondial des biens et des services est resté pratiquement stable en 2023, "ce qui représente la plus faible performance des 50 dernières années en dehors des récessions mondiales", indique la Banque mondiale. Dans un contexte de fort ralentissement de la production industrielle mondiale, le volume des échanges de marchandises s'est contracté pendant la majeure partie de l'année 2023 et a chuté de 1,9 % sur l'ensemble de l'année.
Baisse quasi générale des prix de transport
Cette atonie de la demande de biens et de services s’est répercutée sur la demande de transport. En 2022, les principaux groupes mondiaux du transport et de la logistique avaient pu conserver des résultats en croissance grâce à un bond premier semestre qui avait sauvé l’année. Rien de tel en 2023 : la plupart enregistrent une nette régression de leur chiffre d’affaires, et beaucoup aussi une érosion des marges.
Dans le transport international, la dégradation des résultats financiers s’explique surtout par un équilibre offre/demande redevenu favorable aux chargeurs.
- Dans le transport maritime, les compagnies ont commencé à prendre livraison des nouvelles unités commandées pendant le Covid. Malgré des volumes qui se sont plutôt maintenus, voire ont même légèrement progressé, les prix ont chuté sur l'ensemble de l'année en raison de la surcapacité, et de façon très brutale. Ils ont remonté rapidement en fin d'année en raison des perturbations en mer Rouge causées par les attaques des rebelles houthis du Yémen contre les navires marchands, mais pas suffisamment pour maintenir les revenus et les marges.
- Dans le transport aérien, l’évolution des capacités a également été le facteur déterminant en 2023 en matière d’évolution des taux de fret. En raison de la reprise de l’activité de transport de passagers, les compagnies ont étoffé leurs programmes vols, ce qui a induit une augmentation des capacités cargos offertes dans les soutes des avions passagers. Le repli des taux de fret a été moins violent que dans le transport maritime, mais il atteint ou dépasse quand même les 10% sur tous les axes.
La tendance est différente dans le transport routier, secteur qui réagit en général à la conjoncture avec quelques mois de décalage par rapport au transport international. Sur l’ensemble de l’année, les taux de fret sont en légère hausse en Europe, et stables sur le marché français. Cependant, si l’on considère uniquement le deuxième semestre, on constate une tendance baissière, en France comme en Europe. Dans le détail, on observe que les taux de fret sont restés en croissance sur le marché contractuel mais qu’ils ont plongé sur le marché spot, avec une baisse de 3,4% en France et de 5,8% en Europe pour l’ensemble de l’année. En Europe, l’inversion de tendance sur le marché spot est intervenue dès le premier trimestre.
La montée en puissance des aléas
L’équilibre entre l’offre et la demande reste le facteur prépondérant de l’évolution des taux de fret. Cependant, 2023 est venu apporter une nouvelle illustration de la multiplication des risques prévisibles, mais dont il est impossible de connaître précisément le moment où ils surviendront. Pour les directions Supply Chain, c’est un nouvel élément à intégrer dans les plans de résilience.
- Le risque géopolitique
En l’espace de quelques années, le contexte géopolitique est devenu un paramètre primordial parmi les facteurs susceptibles d’influencer significativement le marché et l’organisation des chaînes logistiques. En 2023, la résurgence du conflit israélo-palestinien a ainsi conduit à des perturbations en mer Rouge qui ont allongé les temps de transit et désorganisé la régularité des services. Alors qu’elles avaient commencé à vendre en-dessous de leurs coûts de revient sur certains axes, les compagnies maritimes ont pu alors faire passer des augmentations, et le mouvement s’est poursuivi depuis. On a là un exemple de remontée des prix sans lien avec une croissance de la demande. Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, on a donc actuellement deux terrains de conflit armé majeurs qui nécessitent des adaptations des supply chains.
Le risque géopolitique ne s’arrête pas là. Il se matérialise aussi à travers les tensions commerciales croissantes entre les grandes puissances, de plus en plus soucieuses de leur souveraineté et de leur indépendance stratégique. Entre la Chine et les États-Unis, c’est déjà une longue histoire, démarrée sous l’administration Trump avec l’instauration de tarifs douaniers sur certains produits. Une politique confirmée ensuite par l’administration Biden. Fait nouveau : l’Union européenne est aussi en train de passer de la parole aux actes. En 2023, elle a ouvert une enquête sur les subventions publiques chinoises aux véhicules électriques, qui a abouti en juillet 2024 à la mise en place de droits de douane supplémentaires. Une autre enquête est en cours sur les fabricants d’éoliennes. Ces mesures peuvent conduire à des transformations des chaînes logistiques, afin de contourner les restrictions. Autre impact : la Chine riposte généralement en ciblant les exportations de produits occidentaux, ce qui peut là-aussi avoir un impact sur l’organisation des flux.
Outre les impacts directs, le contexte géopolitique influe aussi indirectement sur le secteur du transport en raison de ses répercussions sur la disponibilité des produits de base, et en particulier de l’énergie. Ainsi en 2022, lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, les transporteurs ont été confrontés à une violente hausse des prix du carburant. Sur ce front, la situation s’est plutôt calmée en 2023. En revanche, l’inflation a continué sur les autres postes de coûts des transporteurs.
- Le risque climatique
Dans la catégorie des risques quasi certains mais dont il est impossible de savoir où et quand ils se produiront, on peut citer également le risque climatique. Il ne se passe plus une année sans perturbation majeure liée à cet aléa. En 2023, on l’a vu notamment dans le transport maritime, lorsque les autorités du canal de Panama ont dû réduire considérablement la navigation en raison de la sécheresse qui affectait les niveaux d’eau du canal. On peut citer d’autres exemples : en août 2023, un éboulement en Savoie a paralysé le trafic routier, et plus longtemps encore le trafic ferroviaire entre la France et l’Italie. En avril 2024, ce sont des inondations qui ont contraint l’aéroport de Dubaï à fermer ses pistes. Les probabilités d’occurrence de ce risque extrêmement difficile à appréhender sont plutôt orientées à la hausse (...)
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AU SOMMAIRE
- Les grandes tendances du marché transport et logistique en 2023
- Les principaux groupes mondiaux du transport et de la logistique
- Panorama du transport maritime
- Panorama du fret aérien
- Panorama du transport routier
