Analyse Transport & Logistique

Taïwan : les tensions n’enclenchent pas de rebond des taux de fret

30 août 2022

Les taux de fret maritime FAK entre l’Asie et l’Europe ont poursuivi leur baisse en août, malgré un regain de tension entre la Chine et les États-Unis autour de la question taïwanaise.

Les tensions entre la Chine et Taiwan ne sont pas une nouveauté. Il s’agit d’un paramètre à suivre de près, car ce feu couvant est susceptible de remettre profondément en question les échanges conteneurisés de masse entre l’Asie et l’Occident si la situation s’envenime.

Au mois d’août, la visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre américaine des représentants, puis d’une délégation de membres du congrès américain, a ravivé les tensions. La Chine a riposté via des manœuvres militaires et l’escalade s’est arrêtée là... pour l’instant.

Alors que les taux de fret maritime Asie-Europe connaissaient une certaine érosion depuis le début de l’été, cette nouvelle crispation des relations entre la Chine et les États-Unis a fait craindre aux chargeurs un nouveau rebond. Mais ce contexte géopolitique n’a pas suffi à contrebalancer les effets de la baisse de la demande. En conséquence, l’accalmie des taux s’est plutôt poursuivie tout au long du mois d’août.

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Source : Upply

L’épineuse question de la sécurité des navires

Toutefois, cette situation géopolitique peut à très brève échéance changer la donne des routes maritimes empruntées habituellement. Les compagnies maritimes pourraient être tentées d’éviter la zone "chaude" du détroit entre Taiwan et la Chine, ne serait-ce que sous la pression des assureurs, même si ces derniers restent pour l’instant relativement sereins sur cette question. Cela signifierait des délais d’acheminement supplémentaires. Dans l’immédiat, à court terme, ce regain d’incertitudes ne favorise pas la normalisation dont les chaînes logistiques mondiales ont tant besoin.

Une autre question se pose avec une nouvelle acuité : celle de la sécurité des navires marchands et de leur capacité à se défendre, au-delà de la piraterie "classique". Cet enjeu a été clairement identifié. "Le conflit en Ukraine est d’abord terrestre, mais il a révélé l’effet direct de la compétition pour les flux sur nos économies. Le blocus imposé à l’Ukraine a contraint à une reconfiguration majeure des flux d’exportation de ce pays et fait peser à terme une grave hypothèque sur son avenir, récemment illustrée par les discussions autour de l’exportation du blé ukrainien. La dépendance européenne aux flux maritimes est aussi considérable pour les biens de consommation et, depuis peu, pour l’énergie. (...) La marine et les marines alliées sont les acteurs de la sécurisation de ces flux", a récemment rappelé l’amiral Pierre Vandier, chef d’État-major de la Marine, lors d’une audition à l’Assemblée nationale

Les navires marchands devront-ils, en sus de cette présence militaire classique, envisager d’autres dispositifs de protection, comme ils l’ont fait face à la piraterie ? Aujourd’hui, de nouvelles technologies légères sont disponibles, et il n’est ni inconcevable ni particulièrement compliqué d’accueillir à bord des navires marchands des militaires dotés de tels équipements. Toutefois, si la flotte de commerce mondiale allait dans ce sens, cela changerait profondément la donne.

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Expert du transport maritime depuis 25 ans, Jérôme met toute sa connaissance du secteur au profit d'Upply. Capitaine de navire dans l'âme, il est également l'auteur du Lexique anglais-français du transport maritime conteneurisé (Paris : CELSE, 2001).
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