BAROMÈTRE. Alors que le passage par le cap de Bonne-Espérance devient la routine, une certaine tension sur les capacités se fait sentir.
Des Houthis qui perdent un peu de leur puissance de frappe, des marins qui s’organisent et ne veulent plus être des cibles en mer Rouge et un pont détruit aux États-Unis qui n’a pas fini de faire du bruit : voici les principaux marqueurs de ce mois d’avril qui nous a apporté son lot maintenant quasi habituel de surprises, dans un contexte de raffermissement de la demande avec des navires annoncés pleins pour les départs de mai en provenance de l’Asie vers l’Europe.
Les faits marquants
- Les Houthis, une menace déclinante mais un spectre élargi
Alors que le nombre d’attaques de navires marchands semble baisser autour du détroit de Bab-el-Mandeb, les menaces et les intimidations sont aujourd’hui plus diffuses. À ce stade, les Houthis n’ont pas la capacité de menacer globalement le trafic marchand Asie-Europe via le cap de Bonne-Espérance. Et leur force de frappe commence à souffrir significativement des actions conjointes des forces navales américaines et européennes.
Il n’en reste pas moins que nous arrivons maintenant à un semestre de perturbations en mer Rouge, ce qui, d’un point de vue économique, ne relève plus d’un épiphénomène ou d’une variable ponctuelle. On sait désormais que ce paramètre affectera l’exercice fiscal en cours et que les prévisions initiales pour 2024 sont largement erronées.
- Des marins qui refusent de plus en plus de naviguer dans la zone
Le 12 mars dernier, l’International Bargaining Forum (IBF), qui regroupe les représentants des employeurs et des salariés du transport maritime, a décidé de désigner la mer Rouge et le golfe d'Aden comme des zones de guerre, alors qu’elles étaient jusqu’à présent considérées comme zones à haut risque, "afin de souligner la gravité de la situation sur place", indique un communiqué titré "Seafarers lives matter".
Cette décision a été prise à l’unanimité par le Warlike Operations Area Committee de l’IBF, après l’attaque du navire True Confidence qui a coûté la vie à trois marins. Elle permet notamment aux marins d’obtenir des compensations salariales s’ils naviguent dans la zone, mais aussi le cas échéant de refuser d’entrer dans cette zone de guerre sans être pénalisés. Un soulagement pour les marins car aujourd’hui, une majorité des équipages de porte-conteneurs ne considèrent pas qu’une escorte militaire soit une protection suffisante.
- Un nouveau front dans le détroit d’Ormuz
Alors que la tension s’installe dans la durée autour de la mer Rouge et du golfe d’Aden, avec un élargissement de la menace aux côtes somaliennes voire à la pointe nord-ouest de l’océan Indien, un nouveau front s’ouvre du côté du détroit d’Ormuz depuis la prise du MSC Aries par les Gardiens de la révolution iraniens.
Si cette action a touché un porte-conteneurs, le détroit d’Ormuz est surtout stratégique pour le trafic du pétrole, avec environ 20% des hydrocarbures consommés dans le monde qui transitent par cette voie. Une tension dans la zone peut donc engendrer une spéculation à la hausse sur les produits pétroliers. Le risque est avéré, même si pour l’instant, les marchés restent calmes.
- De nouvelles investigations sur l’accident du pont de Baltimore
Comme prévu, l’effondrement du pont Francis Scott Key de Baltimore, malgré les perturbations qu’il engendre, n’a pas fait bouger fondamentalement le marché des taux de fret régionaux. L’activité s’est reportée sur les ports voisins, à l’exception du charbon et d’une partie du trafic automobile. La surprise est plutôt venue de l’annonce de l’ouverture d’une enquête criminelle par le FBI, qui veut déterminer si l'équipage a appareillé en sachant que le navire avait de graves problèmes de systèmes. La ville de Baltimore a également intenté une action en justice contre le propriétaire et l'exploitant du navire, Grace Ocean Pte Ltd et Synergy Marine Group, pour obtenir des dommages et intérêts. Elle accuse les sociétés de négligence dans l'exploitation du navire, et affirme que l’effondrement du pont a entraîné l'arrêt du moteur économique de la ville.
Par ailleurs, le navire s’est déclaré tardivement en avarie commune, ce qui signifie que la marchandise se trouvant à bord devient financièrement solidaire du sinistre. Cela risque de coûter très cher aux chargeurs qui avaient de la marchandise à bord non couverte a minima par une garantie "FAP sauf".
L'évolution des taux de fret
Pour bien comprendre la dynamique tarifaire d’avril-mai, il convient d’intégrer trois paramètres :
Le leader du marché, MSC, donne un signal fort de restauration tarifaire sur ses taux FAK pour mai entre l’Asie et l’Europe (...)