BAROMETRE. La demande est toujours inférieure à celle de l’an passée au mois de mai 2023 dans le fret aérien. Et comme les capacités disponibles augmentent, les taux de fret poursuivent leur chute.
Selon les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA), la demande mondiale de fret aérien a régressé de 5,2% en glissement annuel au mois de mai. Cette baisse touche en particulier les compagnies européennes et nord-américaines où la demande faiblit sous la pression d’une inflation toujours élevée, même si celle-ci s’atténue.
Les grands axes du transport de fret aérien international sont tous plongés dans une phase difficile. "Le corridor Amérique du Nord-Europe a poursuivi sa série de contractions à deux chiffres en mai, chutant de 10,3 % en termes de tonnes-kilomètres transportées corrigées des variations saisonnières, tandis que la demande internationale sur le corridor Amérique du Nord-Asie a également baissé de 8,1%. En conséquence, les compagnies aériennes nord-américaines ont enregistré une contraction de 7,5 % en glissement annuel de leur trafic international en mai", indique l’IATA. "Les performances de l’axe Amérique du Nord-Europe ont également affecté les compagnies aériennes européennes, qui ont dû faire face à une baisse de 7,8 % en glissement annuel de la demande de fret aérien en Europe, corrigée des variations saisonnières. De même, en plus de la baisse de 8,1 % sur l’axe Amérique du Nord-Asie, les compagnies aériennes de la région Asie-Pacifique ont dû faire face à une contraction de 17,7 % de la demande désaisonnalisée de fret international en Asie, ce qui a entraîné une baisse globale de 3,3 % en glissement annuel pour les compagnies aériennes de la région Asie-Pacifique", détaille l’IATA.
Le corridor Afrique-Asie, en revanche, continue à enregistrer une progression en mai, grâce notamment au développement des échanges avec la Chine. Mais la croissance s'est considérablement ralentie, "passant de 18,5 % en avril à 11 % en glissement annuel en mai, peut-être en raison de l'impact du conflit au Soudan depuis le mois d'avril", avance l’IATA. La demande sur les autres axes donnant aussi des signes d’affaiblissement, les compagnies africaines enregistrent aussi une contraction de 2,4 % en mai en glissement annuel.
*FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - @ Upply
L’érosion de la demande se poursuit maintenant depuis 15 mois. La contraction annuelle s’atténue depuis le pic atteint de -16,8% atteint en janvier. En revanche, elle s’aggrave par comparaison au mois précédent si l’on prend comme référence la période pré-pandémique de 2019 : le repli de la demande s’élève à -7,0% en mai 2023 par rapport à mai 2019, contre -5,3% en avril.
*FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - @ Upply
Des capacités en pleine expansion
Le rétablissement de la demande, du côté des voyageurs, pousse les compagnies à réinjecter des capacités dans le réseau passagers, avec un effet mécanique de croissance de l’offre cargo disponible en soute. Cet effet de ciseau constaté depuis plusieurs mois prend encore un peu plus d’ampleur en mai, avec une croissance des capacités de 14,5% (+11,2% à l’international).
Alors que l’offre avait pour la première fois dépassé le niveau pré-Covid en avril, c’est une nouvelle fois le cas en mai. Les capacités disponibles en soute des avions passagers à l’international ont augmenté de 40,5 %, contre une croissance qui se limite à 1,6% pour les avions cargos. "L’offre internationale fournie par la capacité en soute a dépassé de 4,6 % celle des avions cargo. À titre de comparaison, en mai 2022, la capacité de fret international fournie par les avions de passagers était inférieure de 41,1 % à la capacité des avions de fret", rappelle l’IATA.
Nouvelle chute des taux de fret
Les trajectoires opposées de l’offre et de la demande conduisent bien évidemment à une nouvelle dégradation du coefficient de remplissage, qui s’établit à 41,5% en mai, contre 50,5% un an plus tôt. Les taux de fret en subissent les conséquences : tous les axes sont, comme le mois précédent, orientés à la baisse, tant en glissement mensuel qu’en glissement annuel.
Sur le marché international, la plus forte augmentation des capacités revient aux compagnies d’Asie-Pacifique (+19,7%), ce qui s’explique principalement par la réouverture de la Chine après la fin de sa politique Zéro Covid. Comme la demande chute parallèlement de 6,4%, l’impact sur les taux de fret se révèle particulièrement lourd, avec une baisse en glissement annuel qui avoisine les 50% au mois de mai.
Cela étant, si la hausse des capacités est plus modeste pour les compagnies européennes et nord-américaines, la chute de la demande aussi la plus forte. En conséquence, les prix du fret aérien connaissent aussi un net repli, en lien avec l’atonie des volumes.
Source des données : Upply
Des indicateurs déprimants
Les milieux économiques ont aujourd’hui l’œil rivé sur l’évolution de l’inflation, en espérant le reflux qui se dessine depuis quelques mois se confirmera et relancera les moteurs de la consommation, pour les ménages comme pour les entreprises. "Les conditions commerciales pour le fret aérien restent difficiles, avec une baisse de 5,2 % de la demande et plusieurs indicateurs économiques indiquant une faiblesse. La seconde moitié de l'année devrait toutefois apporter quelques améliorations. Avec le ralentissement de l'inflation sur de nombreux marchés, on s'attend à ce que les banques centrales réduisent leurs hausses de taux d'intérêt. Cela devrait contribuer à stimuler l'activité économique et avoir un impact positif sur la demande de fret aérien", espère Willie Walsh, directeur général de l'IATA.
Pour l’instant, on est encore loin du compte, et les voyants suivis par l’industrie du fret aérien pour évaluer ses perspectives sont quasiment tous au rouge. "L'indice des directeurs d'achat (PMI) de l'industrie manufacturière mondiale montre une contraction annuelle de 1,4 % des nouvelles commandes à l'exportation et une baisse de 5,2 % en glissement annuel de l'indice des directeurs d'achat de la production. Cela suggère un ralentissement de la demande manufacturière mondiale", indique l’IATA. Quasiment toutes les grandes économies, à l’exception des États-Unis, connaissent une détérioration de leur production manufacturière.
Le contexte économique pèse sur le commerce mondial de marchandises, qui a diminué de 0,8 % en avril. Cette baisse des volumes a été fortement ressentie dans le secteur du transport maritime conteneurisé et a conduit à un effondrement des taux de fret. L’industrie du fret aérien, qui avait considérablement réduit son différentiel de compétitivité avec le maritime durant la crise, se retrouve désormais en position nettement moins avantageuse. C’est d’autant plus le cas que les chaînes logistiques ont retrouvé leur fluidité. "L'indice PMI des délais de livraison des fournisseurs mondiaux a augmenté pour atteindre 54,5 en mai, alors qu'il n'était que de 35 en octobre 2021, ce qui indique des délais de livraison plus courts et une tension moindre en matière d'approvisionnement", note l’IATA. L’industrie du fret aérien a subi l’impact des congestions pendant la crise, mais elle en a aussi profité en s’imposant comme la seule solution possible pour les acheminements urgents. Désormais, les opportunités liées à ce type de situation sont moindres.
Le fret aérien va devoir composer avec la faiblesse de la demande pendant encore plusieurs mois. Pour les compagnies aériennes, la bonne nouvelle du moment vient incontestablement de l’activité passagers, qui reprend avec vigueur et se prépare un bel été.