Le trafic mondial de fret aérien a enregistré un 18è mois consécutif de croissance en janvier 2025. Mais l’offre a augmenté plus rapidement que la demande, ce qui a orienté les prix de transport à la baisse.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de janvier 2025
Le trafic mondial de fret aérien, exprimé en tonnes-kilomètres, a augmenté de 3,2% en glissement annuel au mois de janvier 2025, selon les chiffres diffusés par l’Association du transport aérien international (IATA). Le secteur enregistre ainsi son 18è mois consécutif de croissance, mais celle-ci ralentit. Corrigée des variations saisonnières, la demande a crû de 3,1% par rapport au mois précédent, ce qui porte le trafic mondial à près de 25 milliards de tonnes-kilomètres (t-km), selon nos estimations.
Le trafic international a connu une progression de 3,6 % en glissement annuel. Là encore, cela correspond à un ralentissement de la croissance, la plupart des grandes régions et des routes commerciales enregistrant désormais une hausse à un seul chiffre. Cela reste néanmoins le signe d’une trajectoire plutôt positive.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA.
L’entrée en fonction de la nouvelle administration Trump aux États-Unis, accompagnée d’annonces forte en matière d’augmentation des droits de douane, semble avoir produit ses premiers effets sur la demande de fret aérien. En janvier, le corridor Europe-Amérique du Nord a été le moteur de la croissance, avec une hausse de 9,7 % en glissement annuel, "peut-être influencée par l'anticipation des expéditions avant les éventuels droits de douane additionnels américains", souligne l’IATA.
La route Asie-Amérique du Nord, le plus grand axe de trafic de fret aérien mondial, a pour sa part enregistré une augmentation de 6,1%. Les flux intra-asiatiques confirment également leur dynamisme avec une progression de 7,6%. La liaison Europe-Asie, qui se classe au troisième rang mondial par son importance, a montré une progression plus modeste de 2,3% en glissement annuel.
Quelques liaisons, enfin, affichent une décroissance : le trafic sur l’axe Afrique-Asie a chuté de 26,1% en glissement annuel en janvier, tandis que les liaisons du Moyen-Orient vers l'Asie et vers l'Europe ont connu une contraction respective de 7,3% et 3,0%.
- Capacités
Les capacités offertes, mesurée en tonnes-kilomètres, ont augmenté de 6,8% en janvier 2025 en glissement annuel (+7,3% à l’international), et de 1,7% en glissement mensuel après correction des variations saisonnières. Elles atteignent environ 53 milliards de tonnes-kilomètres, ce qui constitue un nouveau record historique de capacités offertes pour un mois de janvier.
Cette croissance est une nouvelle fois tirée par la progression des capacités disponibles en soute des avions passagers, qui ont augmenté de 10% en janvier en glissement annuel. Elles présentent ainsi 55,2 % de l’offre à l’international, contre 53,9 % il y a un an. Dans le même temps, les capacités offertes à bord des avions cargo ont également augmenté, mais de 4,2% seulement, enregistrant quand même un dixième mois consécutif de hausse.
- Retournement de tendance dans l’équilibre offre-demande
Pour la première fois depuis plusieurs mois, l’évolution de la demande est inférieure à celle de l’offre, ce qui entraîne une baisse du coefficient de remplissage. Celui-ci a diminué de 1,5 point de pourcentage par rapport à janvier 2024, pour s'établir à 43,9 %. Il s'agit du résultat le plus bas depuis septembre 2023. Le repli est encore un peu plus important sur le segment international, avec un coefficient de remplissage qui perd 1,7 point pour s’établir à 47,6%.
2/ L’évolution des prix
Cette progression de l’offre supérieure à celle de la demande oriente logiquement les prix de transport à la baisse, et ce malgré une augmentation de 8,1% du prix du moyen du kérosène en glissement mensuel (en déclin de 11,2%, en revanche, en glissement annuel).
Selon les données de l’IATA, la recette unitaire, surcharges incluses, a globalement chuté de 9,9 % en glissement mensuel en janvier 2025, contre une baisse de seulement 0,4 % le mois précédent. Il s'agit du deuxième mois consécutif de baisse.
Source : Upply Freight Index
En glissement annuel, la recette unitaire augmente globalement de 7,0%, "poursuivant ainsi sa croissance sur huit mois consécutifs", indique l’IATA. Le secteur profite notamment du dynamisme persistant de la demande liée au développement du commerce électronique transfrontalier.
L’axe Asie-Europe constitue toujours l’un des moteurs de cette progression. Sur cette liaison, la demande est tirée par le e-commerce, mais elle est aussi stimulée par les perturbations du transport maritime. Malgré une accalmie en mer Rouge, les compagnies maritimes continuent de privilégier massivement le passage par le cap de Bonne-Espérance, ce qui rallonge considérablement les délais d’acheminement. En conséquence, certains expéditeurs optent pour le fret aérien.
En glissement annuel, on relève également une petite augmentation sur l’axe Europe/Amérique du Nord. Ceci peut s’expliquer par les perspectives de guerre commerciale qui ont pu stimuler la demande, dans une période post-Noël habituellement plus creuse.
3/ Les perspectives
Plusieurs paramètres économiques laissent entrevoir des perspectives favorables pour le fret aérien.
- Au niveau des coûts, la baisse du prix du carburant est une bonne nouvelle pour les compagnies aériennes.
- En matière de demande, le e-commerce continue de bien se porter, et surtout, la production industrielle semble retrouver une trajectoire encourageante. En janvier, l'indice des directeurs d'achat (PMI) de la production manufacturière mondiale est passé au-dessus de la barre des 50 qui marque le seuil de croissance. À 50,62, il s'agit du niveau le plus élevé depuis juillet 2024, et cela marque un revirement significatif par rapport à la contraction du mois précédent. Or la croissance de la production manufacturière est un facteur décisif d’accroissement de la demande de services de fret aérien.
En revanche, sur d’autres aspects, les perspectives sont plus mitigées.
- Le commerce mondial entre dans une zone de fortes turbulences, en raison de la nouvelle politique américaine en matière de droits de douane. Au-delà des surcoûts potentiels, la manière de procéder, à coup d’annonces, de reports et de coups de pression, suscite un climat d’incertitudes préjudiciable aux affaires. En janvier, l’indice PMI des nouvelles commandes à l'exportation a augmenté à 49,37, ce qui représente une hausse de 1,22 point par rapport au mois précédent. "Cependant, cette poussée de croissance est tempérée par le fait que les commandes à l'exportation sont restées en dessous de la barre des 50 points pendant huit mois consécutifs. Une tendance qui pourrait être exacerbée par les politiques protectionnistes de la nouvelle administration américaine, qui pourraient potentiellement étouffer la croissance des exportations dans les mois à venir", avertit l’IATA.
- La maîtrise de l’inflation reste un enjeu dans plusieurs grandes économies. Aux États-Unis, l'indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 3,0 % en glissement annuel, "marquant quatre mois consécutifs de croissance et la plus forte augmentation en sept mois", souligne l’IATA. Le taux de croissance de l'IPC de l'UE27 a également légèrement augmenté pour atteindre 2,8 %, toujours assez loin du seuil cible des 2,0%. Au Japon, l’inflation a atteint en janvier son plus haut niveau depuis janvier 2023, en s’établissant à 4,0 %, "alimentée par la hausse rapide des prix des denrées alimentaires et les coûts élevés de l'énergie", précise l’IATA. À l’inverse, la Chine est sortie d’une phase de désinflation, avec une croissance de l’IPC de 0,5% en janvier. "Des facteurs saisonniers, tels que le Nouvel An lunaire, ont stimulé les dépenses de consommation et les prix, tandis que les prix des produits frais ont également augmenté pendant la période des fêtes. Cependant, le ralentissement du marché immobilier et le resserrement financier ont contribué à maintenir l'IPC à un niveau modéré", analyse l’IATA. Ces perspectives incertaines en matière d'inflation, à la hausse comme à la baisse, pourraient créer un sentiment d'inquiétude. Aux États-Unis en particulier, la politique de la nouvelle administration Trump alimente les craintes d’un rebond de l’inflation, qui influera aussi sur l’indice des prix à la production.
- Enfin, les perspectives économiques pour l’année 2025 font globalement état d’une croissance modérée.
L’industrie du fret aérien aborde l’année 2025 sur des bases solides, avec des recettes unitaires toujours bien supérieures aux niveau pré-pandémiques. Elle devrait également pouvoir compter sur un développement des échanges mondiaux. Néanmoins, les transformations initiées par la nouvelle administration Trump, non seulement en matière de politique commerciale mais aussi en matière géopolitique, pourraient affecter significativement les flux de fret aérien.
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