Analyse Transport & Logistique

Fret aérien : le Covid-19 bouleverse le marché

03 avril 2020

Avions cloués au sol, dégringolade des volumes, prix qui flambent sur certains axes et plongent ailleurs : l’épidémie de Covid-19 secoue l’industrie du fret aérien. Palpable depuis février, l’onde de choc se propage au rythme du Coronavirus.

Conformément aux attentes de l’IATA, l’impact de l’épidémie de Coronavirus s’est manifesté dans les chiffres à partir du mois de février pour le secteur du fret aérien. Les statistiques de trafic pour cette période ne font apparaître qu’un modeste repli de 1,4% par rapport à février 2019. Mais en données corrigées des variations saisonnières, la chute s’élève à 9,1%. Une différence qui s’explique principalement par le fait que le Nouvel An Chinois, et les fermetures d’usine qui l’accompagnent, tombait au mois de février en 2019 alors qu’il s’est déroulé cette année en janvier.

Désormais la crise est bien là. La prolongation de la fermeture des usines en Chine, au mois de février, pour tenter de contenir l’épidémie de Covid-19, a engendré une chute de la production sur ce marché qui est l’un des plus importants pour le fret aérien. Les compagnies aériennes de la région Asie-Pacifique sont d’ailleurs les plus touchées, avec un trafic en repli de 15,5% en données corrigées. L'Europe est aussi durement frappée.

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Une chute de l’offre supérieure à celle des volumes

Parallèlement, les capacités ont commencé à diminuer en raison de l’annulation de nombreux vols passagers. "En février 2019, les soutes des avions passagers représentaient environ 65% de la capacité cargo mondiale. Une proportion qui est passée à 62% en février 2020", précise l’IATA. Les compagnies asiatiques étaient en première ligne, avec une réduction de capacité de 17,7%, la plus forte jamais enregistrée depuis 2013. Les transporteurs européens leur ont emboîté le pas, avec une diminution de 3,8%. Le marché italien a été fortement touché, car l’épidémie de Coronavirus a frappé le nord du pays, particulièrement industrialisé. Il faudra attendre les résultats de mars pour mesurer l’impact dans les autres pays.

Paradoxe, dans ce marasme économique : pour la première fois depuis longtemps, l’offre s’est contractée plus vite que la demande, ce qui a permis une augmentation de 1,5 point du coefficient de remplissage, qui s’établit à 46,4%. Cette tendance sera encore plus sensible au mois de mars. Certes les volumes continuent de s’effondrer, si l’on en croit les données de Clive Data Services citées par le Loadstar. Mais la multiplication des foyers d’épidémie à l’échelle mondiale conduit les compagnies à supprimer massivement leurs vols.

Forte hausse des taux de fret sur certains axes

Cette situation commence à avoir un impact significatif sur les prix, en tout cas sur certains axes. En Chine, la production reprend progressivement. Parallèlement, si la demande a chuté dans certains secteurs d’activité, elle est en revanche en pleine explosion et urgente sur d’autres segments de marché, comme le matériel médical. Globalement, notre base de données Upply montre une très forte augmentation des taux de fret aérien depuis mi-mars dans le sens Asie-Europe, comme le montre les deux exemples ci-dessous (consulter d'autres lignes avec notre outil de comparaison des prix).

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Figure 1 - Exemple de la ligne Hong Kong-Francfort en Airport to Door, pour 2 tonnes. @Upply

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Figure 2 - Exemple de la ligne Pékin-CDG en Airport to Door, pour 2 tonnes. @Upply

On constate la même tendance sur d’autres axes comme le Transatlantique, où les prix ont fortement grimpé en mars entre l’Europe et les États-Unis, par exemple. En fait, cette poussée est révélatrice d’une supply chain mondiale totalement désorganisée. La difficulté d’accès aux capacités et l’impossibilité de prévoir l’évolution de l’offre et de la demande justifient l’acceptation de prix plus élevés.

"Au milieu de toutes les incertitudes de cette crise, une chose est claire : le fret aérien est une activité vitale. Elle permet de livrer des médicaments et du matériel médical qui sauvent des vies, et aide à préserver les supply chain mondiales. C’est la raison pour laquelle les gouvernements doivent lever tous les obstacles qui peuvent brider actuellement cette industrie", estime Alexandre de Juniac, directeur général et CEO de IATA.

La Commission européenne a d’ores et déjà publié le 26 mars des lignes directrices pour le fret aérien qui vont dans ce sens.

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Diplômée de l'École Supérieure de Journalisme de Lille, Anne a exercé l’essentiel de sa carrière dans la presse spécialisée Commerce international & Logistique, avant de rejoindre Upply.
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